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    Nouvelle Calédonie
  • Charlie Réné | Crée le 01.08.2018 à 06h46 | Mis à jour le 01.08.2018 à 12h38
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    Peu de communes ont réellement perdu des habitants en 25 ans, mais les différences de croissance sont énormes, atteignant +5 % par an à Païta.
    Plus nombreuse, plus vieille, plus mobile… Quelle que soit la réponse des Calédoniens à la question du 4 novembre, le pays devra composer avec une population qui change rapidement. De la protection sociale à la clé de répartition, ces évolutions démographiques posent déjà nombre de questions aux dirigeants.

    Parmi les grands défis qui attendent la Nouvelle-Calédonie, certains survolent largement la question de son statut. Tel est le cas de la démographie : quel que soit l’issue du référendum, les futurs gouvernements devront s’adapter, prévoir, et tenter d’avoir prise sur les changements rapides que connaît la population calédonienne.

    Du premier recensement de 1887, qui évalue la population de l’archipel à 62 500 personnes, au dernier en date, réalisé en 2014, et qui dénombre 268 267 habitants, les Calédoniens ont sans surprise changé du tout au tout.

    Tout particulièrement depuis 1988, et la signature d’accords, qui, justement, tentaient de composer avec la transformation du pays. Une transformation qui n’est pas près de s’arrêter : dans une projection réalisée en 2005, l’Isee voyait la Nouvelle- Calédonie atteindre 330 000 habitants en 2030… Dont près de 20 % de plus de 60 ans.

    LA PROTECTION SOCIALE FACE AU VIEILLISSEMENT

    Voilà donc le premier défi posé par la démographie. En 2014, un Calédonien sur deux avait moins de 31 ans. Un âge médian qui reste peu élevé (40 ans en Métropole) mais qui s’est accru de neuf ans depuis les Accords de Matignon, creusant un fossé avec les îles du Pacifique (21 ans en moyenne). La raison est simple : « Depuis les années 80, l’espérance de vie des Calédoniens gagne en moyenne trois mois chaque année », pour atteindre 77,2 ans en 2015, note l’Isee.

    Même s’il reste jeune, le Caillou « amorce bien son vieillissement ». « On entre dans cette phase qu’ont commencée à connaître les pays européens il y a une trentaine d’années, note Yann Michils, directeur de marché chez AG2R - La Mondiale, organisme paritaire de protection sociale. C’est, en soi, une bonne nouvelle, mais c’est aussi le moment de mettre en place une stratégie, avant de se retrouver au pied du mur, et de devoir prendre des décisions plus difficiles ». Assurer le revenu des seniors après leur temps d’activités, leur prise en charge en fin de vie… Des sujets aux implications financières importantes. Le 4 novembre changera-t-il quelque chose ? Si les caisses de retraites de base (CLR, Cafat…) sont gérées indépendamment de la Métropole, les retraites complémentaires dépendent d’organismes nationaux. « Ça n’est pas à nous, organismes de prévoyance d’influer sur ce genre de questions, nous nous inscrivons dans le cadre fixé par le législateur, quel qu’il soit », reprend le responsable d’AG2R.

    COMPOSER AVEC DAVANTAGE DE MOBILITÉ

    La population change… Et se déplace. L’attrait de la capitale qui concentre encore l’essentiel des opportunités d’emplois, n’a pas faibli en 30 ans d’accords. Au contraire. Le Grand Nouméa rassemble désormais 67 % des Calédoniens, et en même temps, une bonne partie des besoins de logements, d’aménagements et de finances (lire ci-contre). À l’opposé, la population des îles, qui avait augmenté de 22 000 personnes entre 1989 et 2004, en a perdu autant dans la décennie suivante. Et a vu sa part dans la population totale passer de 11  à 7 %. De même pour le Nord, dont le poids démographique recule de deux points en 30 ans. Echec des politiques « d’ancrage » et de décentralisation ?

    A voir : la croissance du Nord s’accélère depuis 2009, avec la zone VKP qui enregistre plus de 4 % d’augmentation annuelle, des habitants du Grand Nouméa s’éloignent de plus en plus de la capitale. Et surtout les déplacements internes sont de plus en plus forts : un tiers des Calédoniens ont déménagé entre 2009 et 2014. Des mobilités fortes qui doivent être prises en compte dans les futures politiques publiques. Et qui impliquent un changement radical des rapports « ville - Brousse ».

    La clé de répartition devra être renégociée

    ÉDOUARD LÉONI, SPÉCIALISTE DES FINANCES PUBLIQUES

    Les évolutions démographiques ont-elles été envisagées, au moment des Accords, dans la répartition des finances publiques entre les provinces ?

    Non, dès 1988, les évolutions démographiques mais aussi la croissance économique et le potentiel fiscal n’ont pas été pris en compte par les rédacteurs des Accords. La clé de répartition est restée inchangée, ce qui nous amène à la situation actuelle. En 2016, la dotation de fonctionnement des provinces (63,2milliards de francs) a été attribuée pour 50% à la province Sud, 32% à la province Nord et 18% à la province des îles Loyauté. S’y ajoutent, au titre de l’équipement, 4,9milliards, répartis à 40% pour les provinces Sud et Nord, et 20% pour la province des Îles.

    On ne rattrape pas 130 ans en seulement 30 ans…

    Il faut y ajouter la répartition des dividendes de la STCPI liés à la SLN : 50% pour la province Nord et le reste pour la province des îles et la province Sud. Globalement, la province Sud perçoit moins de 50% du produit des recettes fiscales destinées aux provinces alors que c’est sur ses territoires que sont perçues 70% des recettes publiques totales. Et surtout, elle rassemble, au dernier recensement, 74% de la population pour 19% en province Nord, et 7% aux îles Loyauté.

    La clé de répartition a-t-elle rempli ses objectifs, notamment du point de vue du rééquilibrage économique ?

    Elle a joué son rôle avec l’usine de KNS, l’hôpital du Nord, un port à Vavouto, une centrale électrique dans le Nord, les installations touristiques dans le Nord et les îles, une chaîne de télévision locale, la Sofinor, la Sodiles… En 2016, les dépenses d’équipement engagées par habitant atteignaient 135 000 francs en province Nord et 70 700 francs dans la province des Îles, contre 45 500 en province Sud. Mais les grands chantiers publics et privés sont terminés. Un autre modèle économique est à réaliser.

    La révision de la clé de répartition n’a pas été envisagée ?

    Et la clé de révision n’a pas été utilisée pour des raisons politiques et non de gestion. En effet, à partir du mandat du Congrès commençant en 2004, cette répartition pouvait être modifiée par une loi du pays votée à la majorité des trois cinquièmes.

    Du point de vue des finances publiques, la révision de la clé de répartition est-elle une nécessité ?

    Oui. Dans tous les systèmes de péréquation dans le monde (la Suisse, le Canada, l’Allemagne…), il y a une actualisation systématique, tous les cinq ans. Le rééquilibrage traduit l’idée de permettre aux provinces Nord et Îles de rattraper le retard de développement par rapport à la province Sud. En effet, le Grand Nouméa a bénéficié depuis la fondation de Port de France (futur Nouméa) le 25 juin 1854 d’un surinvestissement public et privé. Le Nord et les Îles ont toujours fait l’objet d’implantations parcellaires avec l’exploitation minière et agricole. C’est la reproduction implicite de « Paris et le désert français » de J.F.Gravier. Mais on ne rattrape pas 130 ans en 30 ans… La poursuite ou pas du rattrapage sera un objet de négociations entre les partis loyalistes et les partis indépendantistes pour l’après-2019. La révision de la clé de répartition sera donc un acte politique.


    Exemple de lecture du graphique : entre 2009 et 2014, la population calédonienne a augmenté « naturellement » de 1,2% (surplus de naissances par rapport aux décès, en gris) et de 0,6% du fait d’un nombre d’arrivée d’habitants supérieur au nombre de départs (le « solde migratoire », en orange).

    22 500 : c’est le nombre de personnes qui ne résidaient pas en Calédonie en 2009 et qui y ont été recensées en 2014. Un chiffre qui inclut un certain nombre de Calédoniens de retour au pays, et qui doit être contrebalancé par plus de 14 000 départs. En moyenne, donc, le pays compte 1 600 arrivées « nettes » par an sur la période. Plutôt élevé : « Il faut revenir à la période 1989-1996 pour retrouver un flux d’ampleur comparable », note l’Isee, qui rappelle que ce solde migratoire, globalement positif depuis le boom du nickel fluctue beaucoup. Son importance est toutefois à relativiser : c’est le « solde naturel », différence entre le nombre de naissances et celui de décès qui représente les deux tiers de la croissance démographique du pays. Reste que la question des migrations externes occupe une place cruciale dans le débat politique. Mais le sujet devrait aussi animer des discussions sur l’avenir : la Calédonie, française ou indépendante, devra définir, éventuellement avec l’État, si elle veut ouvrir davantage ses portes ou au contraire les fermer. La libre circulation des citoyens français semble une évidence en cas de victoire du « non ». Elle fera l’objet de discussions dans le cas contraire. Quoi qu’il advienne, les opportunités offertes par le Caillou, et donc la réglementation de l’emploi local, influeront sur le flux migratoire.

     

     

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