- Patrick Blain | Crée le 12.11.2024 à 05h00 | Mis à jour le 12.11.2024 à 05h00ImprimerJeudi 7 novembre, les anciens et actuels membres de l’association ainsi que leurs invités ont célébré quarante ans d’épopées sous-marines. Photo P.B.Peu d’associations ont autant de notoriété en Nouvelle-Calédonie que Fortunes de mer, qui vient de célébrer ses quarante ans. Une performance d’autant plus remarquable que ses membres ne sont qu’une quinzaine. Autre fait marquant dans le contexte actuel, la sérénité avec laquelle FDMC envisage son avenir
Si quelques-uns avaient pu se méprendre, le doute avait vite été dissipé. Ce n’était pas à la recherche de pièces d’or que palmaient les plongeurs de Fortunes de mer calédoniennes (FDMC). Amassé au fil des années, leur trésor est constitué de toutes les traces du passé que leurs expéditions ont remontées à la surface, doublé du plaisir d’en partager le meilleur avec les visiteurs du Musée maritime, après restauration.
Comme le résume Philippe Houdret, le président de l’association qui soufflait ses quarante bougies, le 7 novembre, à l’Amirauté, " nous sommes des chercheurs ". Des chercheurs qui trouvent, du fait de la géologie particulière du territoire : une interminable guirlande de corail et des hauts-fonds, redoutables pour les navires, et un lagon d’une profondeur modérée qui favorise leurs prospections. Les eaux calédoniennes ont ainsi eu raison des 126 mètres du plus long navire en bois jamais construit, le Roanoke en 1905 comme du plus grand voilier en acier du monde, le France II (1922). Plus tard, s’y sont aussi abîmés des avions en perdition. En 1942, un chasseur-bombardier américain part en vrilles lors d’un exercice de tir au large de la presqu’île d’Uitoe. Jean-Paul Mugnier, vice-président et plus ancien membre en activité, se souvient avec émotion de ce qui fut sa première mission, en 1994. "Le pilote était encore à bord. On a pu soulager la famille de ce jeune militaire de 22 ans, qui a par la suite été enterré à Arlington, le cimetière militaire des héros. C’était émouvant ".
Des épaves encore introuvables
Certaines recherches ont pris du temps. Quinze années, malgré le rapport du capitaine, avant de parvenir à localiser le Tacite, fracassé non loin de la passe de Boulari en 1873. D’autres n’ont toujours pas abouti. En 1939, le Fotini Carras chargé de nickel à destination de Dunkerque s’empale sur le plateau mal cartographié des Bellona, au sud des Chesterfield. "Malgré la distance, on y est allé sept fois depuis 1984, mais on n’a toujours pas réussi à le retrouver ", constate Jean-Paul Mugnier.
C’est que le champ d’actions de Fortunes de mer ne s’est pas limité au lagon. L’un des plus grands moments d’émotion, partagé avec l’association-sœur Salomon, est d’avoir contribué à établir deux siècles après que les vestiges enserrés dans les coraux de Vanikoro, dans l’est des Salomon, étaient bien ceux de l’Astrolabe et de la Boussole, les deux vaisseaux de l’expédition Lapérouse. "J’y suis allé quatre fois entre 1999 et 2008, se remémore Jean-Paul Mugnier. On emmenait de nombreux spécialistes, archéologues, ornithologues, linguistes, médecins. On a rapidement eu des moyens très importants, bénéficiant du soutien de la marine et de son matériel. C’étaient des conditions exceptionnelles pour plonger. Un rêve".
Philippe Houdret, président, et Jean-Paul Mugnier, vice-président et plus ancien membre en activité de FDMC. Photo P.B.Voilà sans doute ce qui fait dire à Philippe Houdret que les années les plus exaltantes de l’association qu’il préside depuis treize saisons sont derrière elle. "Pratiquement tout ce qui était à découvrir l’a été, même s’il reste encore des épaves, déclare-t-il. Celles qui restent à découvrir sont soit difficiles à trouver, on manque de données, soit loin. On va rester sur le lagon, même si on a d’autres projets comme le sous-marin japonais ", coulé au sud ouest du grand récif en 1943.
Cette raréfaction des épaves augmente-t-elle les probabilités de voir l’association se concentrer sur les mystères entourant le naufrage de la Monique et des 126 vies emportées cette nuit tragique de 1953 ? Philippe Houdret demeure prudent : "nous connaissons la zone mais il s’agit de la haute mer. Le Sonar AUV que nous utilisons est d’une efficacité remarquable mais sa capacité est limitée à cent mètres. Ce qu’on aimerait, c’est repasser sur une cible que nous avions localisée, à la sortie de la Havannah. Mais il nous faut d’autres moyens ".
Comment attirer des jeunes ?
Au contre-courant de tant d’associations inquiètes de leur financement pour 2025, Fortunes de mer envisage sa quarante-et-unième année sans crainte particulière. "Nous n’avons pas besoin de gros moyens car nous fonctionnons avec nos bateaux personnels et notre propre matériel. Nous avons toujours fonctionné comme cela. Dans les faits, nous demandons très peu de subventions, seulement lors de la préparation des campagnes. Nous avons un peu de trésorerie d’avance. Cela nous permettra de faire des campagnes en 2025 ".
De fait, c’est plutôt sur l’aspect humain qu’Houdret estime devoir faire porter les efforts. "On n’a pas besoin d’être très nombreux. Mais avec sa quinzaine de membres, l’association est vieillissante, analyse encore le président. Ce qu’il nous faut, c’est faire entrer des jeunes pour reprendre le flambeau. Et le flambeau ne se reprend pas en un an. Il faut le temps de prendre les habitudes, de leur passer notre savoir". "Il nous faut des gens jeunes, compétents et actifs, précise Jean-Paul Mugnier. C’est le cas des trois jeunes membres qui sont en cours de formation à la plongée en Polynésie ".
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