- Anthony Tejero | Crée le 30.11.2024 à 14h00 | Mis à jour le 30.11.2024 à 14h00ImprimerUn épisode de blanchissement corallien observé à Lifou, du 28 l’été 2023. Photo Sandrine JobBlanchissement des coraux, surmortalité de poissons, déplacement d’espèces… Les conséquences des canicules marines sont pour le moins alarmantes. Ces phénomènes de plus en plus forts et réguliers avec le réchauffement climatique n’épargnent pas la région. C’est pourquoi un vaste programme de recherche de quatre ans vient d’être lancé pour mieux comprendre ces impacts en vue de s’adapter aux défis majeurs que ces vagues de chaleur posent aux écosystèmes marins et aux populations.
Qu’est-ce qu’une canicule marine ?
Avec le réchauffement climatique, le terme de canicule est désormais rentré dans le langage courant. Si les pics de forte chaleur de l’air durant l’été sont bien connus, ces épisodes le sont moins en ce qui concerne les océans. Les canicules marines correspondent ainsi à une période (de cinq jours à plusieurs mois) où la température des eaux de surface est très nettement supérieure aux normales de saison, avec des chiffres qui peuvent dépasser + 5 °C.
Ce phénomène a été observé dans tous les océans du globe et peut survenir aussi bien en été qu’en hiver. Les canicules peuvent être très localisées, notamment au voisinage de la côte, comme s’étendre sur plusieurs milliers de kilomètres carrés.
"Ce phénomène existe sans doute depuis longtemps mais c’est vraiment depuis 10 à 15 ans qu’on s’y intéresse de près car on observe une intensification de ces canicules avec des épisodes qui sont également de plus en plus fréquents et donc rapprochés dans le temps à cause du changement climatique", explique Sophie Cravatte, océanographe-physicienne à l’IRD (Institut de recherche pour le développement).
Quelles sont les conséquences sur les écosystèmes ?
Les conséquences des canicules marines s’observent sous toutes les latitudes, néanmoins elles sont encore plus marquées dans les eaux tropicales où les écosystèmes sont particulièrement riches et où, compte tenu de la température déjà chaude de l’océan, les espèces sont souvent proches de leur limite de thermo-tolérance (comprenez de résistance à des températures élevées).
C’est pourquoi ces épisodes ont des impacts parfois massifs sur la biodiversité, à commencer par le corail qui subit alors des phases de blanchissement très importantes. Ces organismes peuvent plus ou moins y survivre selon la durée d’exposition, l’intensité et la fréquence de survenue de ces phénomènes. Mais comme ces vagues de chaleur tendent à devenir de plus en plus fréquentes, le risque de mortalité est accru.
Autre constat préoccupant, ces épisodes peuvent entraîner une surmortalité des espèces, dont les poissons, ce qui peut provoquer des échouages massifs. "Ces canicules perturbent la production primaire de phytoplancton, ces microalgues à la base de la chaîne alimentaire, ce qui entraîne des perturbations à tous les niveaux jusqu’aux oiseaux marins, qui peuvent succomber par manque de ressources", explique Sophie Cravatte.
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Quels sont les impacts pour l’être humain ?
Ces phénomènes entraînent également des déplacements d’espèces dans l’océan. Ainsi, en 2016, des poissons tropicaux ont par exemple été observés pour la première fois au large de la Tasmanie, une zone tempérée. Des migrations qui ne sont pas sans conséquences pour les pêcheurs lorsque certaines zones sont désertées.
Autre sujet de préoccupation, les canicules marines peuvent également avoir des effets dévastateurs pour l’aquaculture, entraînant là aussi des surmortalités, ce qui a d’ailleurs déjà été observé chez nos voisins australiens.
Ces épisodes sont enfin responsables d’efflorescence (c’est-à-dire de pullulation) d’algues toxiques qui envahissent le milieu et, au-delà d’être fatales à certains animaux et organismes marins, peuvent également engendrer des problèmes pour la santé humaine. Et ce, notamment lorsque les gambierdiscus se développent, suspectées lorsqu’elles sont consommées par les poissons de pouvoir augmenter le risque de gratte chez l’homme.
Ces vagues de chaleur marine ont-elles déjà touché la Nouvelle-Calédonie ?
Sans surprise, les canicules marines n’épargnent pas le lagon. L’épisode le plus spectaculaire "qui a marqué les esprits" est celui de février 2016, qui avait provoqué un blanchissement massif des coraux.
Par ailleurs, lors des années placées sous le signe de La Niña, il est fréquent d’observer des canicules marines également durant la saison fraîche, les eaux de surface étant en moyenne plus chaudes que la normale.
Quel est le but du programme MaHeWa qui vient d’être lancé dans la région ?
Alors que les scientifiques manquent encore de données autour de ces vagues de chaleur, en particulier dans la région, un vaste programme de recherche de 4 ans vient d’être lancé ce mercredi 27 novembre. Son nom : MaHeWa. Son objectif : améliorer les connaissances afin de mieux comprendre les impacts des canicules marines. Et ce, en vue de répondre et s’adapter aux défis qu’elles posent aux écosystèmes marins et aux populations insulaires. Financé par le programme national France 2030 (pour un montant de 180 millions de francs), ce programme s’intéresse aux territoires ultramarins du Pacifique : la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française ainsi que Wallis-et-Futuna. Un projet porté par plusieurs organismes, dont l’IRD, Météo-France, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) ou encore l’Ifremer.
Ces chercheurs tenteront notamment d’effectuer plusieurs simulations en laboratoire pour évaluer la résistance des organismes marins, dont les coraux, aux températures anormalement élevées ou encore pour projeter dans les prochaines décennies quelles pourraient être les régions les plus durement touchées par ces phénomènes.
Existe-t-il des solutions pour lutter contre ces canicules marines ?
Comme souvent en matière d’environnement, il n’y a pas de remède miracle pour stopper ces épisodes de canicule marine. Seule solution concrète, maintes fois formulée : réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale, ce qui permettra de freiner les effets du réchauffement climatique, et donc l’intensité et la fréquence de ce phénomène.
"Certaines publications font état que dans 20 ans, des régions tropicales pourraient être en canicule marine permanente. C’est très inquiétant et c’est pourquoi il faut absolument aider les populations, voire les écosystèmes à s’y préparer", martèle Sophie Cravatte, porteuse du projet MeHeWa.
D’ici-là, les chercheurs planchent pour mettre en place, sans doute dès l’an prochain, des bulletins d’alerte canicule marine en lien avec Météo-France. Autres pistes de travail : lancer une carte interactive qui répertorie en temps réel le risque de transmission de la gratte ou encore mettre en place des ateliers avec les autorités pour apprendre à gérer ces situations de crise à venir.
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