- Anthony Tejero | Crée le 24.05.2024 à 11h46 | Mis à jour le 24.05.2024 à 19h35ImprimerEmmanuel Macron a tenu un point presse, ce vendredi 24 mai, peu après minuit, à la résidence du haut-commissariat. Photo Anthony TejeroAu terme d’une visite express, pour tenter de ramener le calme dans le pays et renouer le dialogue entre élus, Emmanuel Macron, a dévoilé, cette nuit, les trois "piliers" essentiels pour un retour à l’apaisement : la sécurité, la reconstruction économique et le chemin politique. Sur ce dernier point, à l’origine des émeutes, le chef de l’État promet de ne "pas passer en force" sur la réforme constitutionnelle à condition de lever les barrages "dans les pus brefs délais". Si tel est le cas, il s’engage à faire "un point d’étape d’ici un mois" et appelle de ses vœux un accord global avec les responsables politiques locaux.
Une visite express
À l’exception d’un passage express au commissariat central de Nouméa pour saluer les forces de l’ordre, le président de la République aura passé toute sa journée de visite dans l’enceinte du haussariat à enchaîner réunions et rencontres : avec le monde économique et institutionnel notamment au sujet de la reconstruction et des indemnités pour les nombreux Calédoniens sinistrés ; avec la classe politique, indépendantiste et non-indépendantiste qui a, chacune de son côté, échangé avec le chef de l’État au sujet du projet de réforme constitutionnelle, ainsi qu’avec la jeunesse qui lui a exprimé ses inquiétudes sur l’avenir du pays.
Au terme de cette journée marathon, Emmanuel Macron a clos son déplacement par une conférence de presse, peu après minuit.
Plus de 3 000 forces de sécurité
L’objectif d’Emmanuel Macron : le retour au calme "dans les meilleurs délais", autrement dit "dans les prochains jours". "Nous allons reprendre pas à pas, chaque quartier, chaque rond-point", assure le Chef de l’État. Pour ce faire, 23 escadrons de gendarmerie sont déployés sur le Caillou, soit près de 3 000 forces de sécurité au total, ce qui est un "niveau extrême". S’ajoutent 130 membres du GIGN et du Raid, "indispensables car plusieurs de ces quartiers sont tenus par des émeutiers qui ont décidé d’adopter des techniques quasi insurrectionnelles avec des équipements lourds, des positionnements en haut des toits. Ce qui ne permet pas de rétablir l’ordre de façon classique". En parallèle, 60 officiers de police judiciaire sont mobilisés afin de mener des procédures et "d’avoir un traitement judiciaire optimal". Un soutien de magistrats a également été prévu.
"Ce dispositif sera complété par le déploiement de blindés et d’hélicoptère dans les prochaines heures, annonce Emmanuel Macron. Notre objectif est, avec sang froid et professionnalisme, de reprendre dans l’intégralité les points qui sont encore dans le désordre et la violence […] pour permettre le ravitaillement partout et l’accès à la santé."
Une aide d’urgence exceptionnelle pour l’économie et la reconstruction
Le deuxième point qui a fait l’objet "de nombreuses discussions" ce jeudi concerne les enjeux économiques et la reconstruction après les dommages "colossaux" provoqués par les émeutiers.
Pour traiter ce dossier, lui aussi brûlant, la ministre déléguée aux Outre-mer Marie Guévenoux reste sur le Caillou jusqu’à la fin de la semaine (probablement dimanche) et une mission consacrée à cette problématique sera créée, avec des hauts fonctionnaires envoyés sur place mais également une "équipe dédiée" à Paris.
"La priorité ira vers une aide d’urgence pour payer les salaires, pallier aux problèmes de trésorerie des entreprises, avec des délais de paiement et des reports d’échéances, avec un engagement des assureurs et également des prêts à taux zéro pour accompagner l’ensemble des professionnels, annonce le chef de l’État. Ce qui sera structuré dans les prochains jours, c’est la mise en place d’un fonds de solidarité pour venir en aide au monde économique afin d’aider salariés, gérants et indépendants dans une situation critique."
En parallèle, l’État procédera à une "mesure d’exception et d’urgence" pour la reconstruction des bâtiments publics, dont les écoles et les collèges, auprès des collectivités qui bénéficieront de dispositifs d’aides.
"Tout un travail doit être entrepris pour reconstruire dans les meilleurs délais et de manière pertinente. L’ensemble des parties prenantes devra définir une stratégie économique qui pense sa diversification et l’avenir du nickel, indispensable dans le contexte qui est le nôtre. "
Sortir du "dos à dos", du "bloc contre bloc"
La question politique, "en grande partie liée à ces violences", a bien sûr été centrale lors de ces échanges avec le président de la République qui le reconnaît : "L’accord n’a pas tout purgé : force est de constater qu’il n’y a pas aujourd’hui une vision d’avenir commune, que le rééquilibrage n’a pas permis de réduire les inégalités économiques et sociales qui se sont même accrues. Ces inégalités ont continué d’accroître et pour partie, sans rien ne justifier, elles nourrissent aussi une part du racisme qui a réémergé d’une manière inédite dans son caractère désinhibé et assumé, assure Emmanuel Macron. D’un autre côté, ayons l’honnêteté de reconnaître que les référendums n’ont pas pacifié les choses, en remettant une logique de bloc à bloc, avec des camps qui s’opposent. Fort, de ces enseignements, nous devons penser la méthode pour l’avenir. Nous avons strictement appliqué ces accords. Nous avons suivi un chemin tout tracé mais nous n’avons pas collectivement, suffisamment, pensé le jour d’après. Ce dos à dos a réapparu avec encore plus de force."
Pas de "passage en force" de la réforme, sous condition de levée des barrages
Le chef de l’État a "pris l’engagement dans le contexte actuel" de ne "pas passer en force" sur la réforme du corps électoral à l’origine des émeutes en Nouvelle-Calédonie et a souhaité un vote des Calédoniens en cas d’accord politique global avec les élus locaux sur le statut institutionnel du Caillou.
Emmanuel Macron indique ainsi dit donner "quelques semaines" supplémentaires aux parties (indépendantistes et loyalistes) pour négocier et il s’est engagé à faire un point d’étape "d’ici un mois" sur l’avenir institutionnel de l’archipel. Des annonces néanmoins conditionnées à la levée des barrages "dans les heures qui viennent", que le chef de l’État a formulé "à l’ensemble des responsables politiques et en particulier au FLNKS et à la CCAT", qui permettra, par là même, de lever l’état d’urgence en vigueur dans le pays.
"La question aujourd’hui est de retrouver la confiance, entre les parties prenantes et les forces politiques, entre les forces politiques et les élus en particulier les maires, entre le monde politique et les forces économiques, et la confiance collective dans l’avenir de la Nouvelle-Calédonie", insiste Emmanuel Macron.
La mission du dialogue installée
"Le dialogue politique doit reprendre immédiatement", martèle Emmanuel Macron qui a décidé d’installer, "écoutant la demande de plusieurs", une mission de médiation et de travail avec Rémy Bastille, Frédéric Potier et Éric Thiers.
"L’État, à travers ses trois hauts fonctionnaires fin connaisseurs des questions institutionnelles jouera un rôle impartial pour permettre la reprise du dialogue et l’avancée des travaux pour un accord global".
La mission du dialogue, ici avec Sébastien Lecornu (à gauche) se tenait aux côtés du président de la République, lors du point presse. Photo Anthony TejeroReport, suspension ou maintien du Congrès de Versailles ?
S’il y a bien un sujet pour lequel, le président de la République botte encore en touche, c’est celui du maintien ou non du Congrès de Versailles (dernière étape pour valider ou non cette réforme constitutionnelle et le dégel du corps électoral) initialement prévu fin juin. Sur cette question, Emmanuel Macron ne se risque à aucune réponse ferme.
"Aujourd’hui, mon souhait est de pouvoir obtenir l’arrêt des hostilités et donc la levée des barrages et des points fixes, le retour au calme, la fin de l’état d’urgence, la reprise du dialogue. Sur cette base, à ce moment-là, je serai le premier à proposer qu’on prenne plus de temps pour avoir un accord global qui rentre dans la constitution, conclut le chef de l’État. Au moment où je vous parle, j’ai exprimé ma volonté dans ce sens. Mais dans la mesure où je n’ai reçu aucun engagement ferme en retour et je n’ai rien constaté, j’attends et j’exprime mon intention", ajoute Emmanuel Macron, jugeant bon d’ajouter une dernière précision : "Cette réforme, dans la mesure où elle a été votée dans les mêmes termes par l’Assemblée Nationale et le Sénat, il appartient au président de la République, soit de la soumettre au Congrès de Versailles, soit de la soumettre au référendum."
La CCAT à la table des discussions
Lors des échanges entre les différents camps politiques et Emmanuel Macron, la présence de Christian Téin, chef de file de la CCAT, parmi les indépendantistes, n’est pas passée inaperçue.
Le président de la République, qui estime que ce mouvement est "protéiforme", assume cette décision : "Ils (les élus indépendantistes) me disent que la CCAT est une organisation politique, qui a eu recours à la violence, ce que nous désapprouvons, que nous condamnons, que nous poursuivons et que nous judiciarisons. Mais puisque c’est une organisation politique, ils ont souhaité qu’elle soit autour de la table auprès d’eux pour qu’elle puisse s’engager, explique le chef de l’État. J’ai considéré qu’il était plus efficace d’accéder à leur demande que d’y opposer un non. Je considère avoir fait le maximum d’efforts possibles pour permettre un retour au calme. J’attends maintenant d’eux l’esprit de responsabilité. "
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