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    Nouvelle Calédonie
  • Propos recueillis par Anthony Tejero | Crée le 11.07.2024 à 18h36 | Mis à jour le 11.07.2024 à 18h59
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    Nicolas Meztdorf, est, depuis le dimanche 7 juillet, le député de la première circonscription. Photo Anthony Tejero
    Pour le député de la première circonscription, élu avec 52,41 % des suffrages dimanche, la priorité est désormais de se rendre à Paris pour "faire comprendre" à l’État l’ampleur de la crise économique dans laquelle plonge la Nouvelle-Calédonie "ruinée" et qui n’a "jamais été aussi dépendante de la France". Un sujet majeur sur lequel il devra désormais se pencher avec son collègue indépendantiste Emmanuel Tjibaou. Entretien avec Nicolas Metzdorf avant son départ vers l’Hexagone.

    Ce second tour a vu la victoire d’un non-indépendantiste et d’un indépendantiste. Pensez-vous que cet équilibre soit de nature à apaiser les tensions dans le pays ?

    Jusqu’ici, je n’ai pas l’impression que ça les a apaisées. Il ne faut pas penser qu’il suffit de donner aux indépendantistes pour que ça s’apaise. Pardon, mais ils dirigent déjà la province des Îles où je n’ai pas pu faire campagne et la province Nord où Alcide Ponga n’a pas non plus pu faire campagne. Ils dirigent le Congrès et le gouvernement et leurs appels respectifs n’ont pas été entendus pour apaiser les choses. Maintenant, ils obtiennent un poste de député. J’espère que la prochaine fois, on ne pensera pas qu’il faut leur donner l’autre circonscription pour apaiser les choses car ça ne fonctionne pas. Je constate avec regret que leurs discours ne sont pas entendus par les militants les plus radicaux.

    Cela ne veut pas dire que je n’ai pas d’espoir en Monsieur Tjibaou et sa capacité à entraîner les choses. Mais je tiens à battre en brèche cette espèce de pensée dans le monde loyaliste, qu’il suffit qu’on donne des choses aux indépendantistes pour que les choses se calment. Je rappelle que Robert Xowie a été élu sénateur également. Il reste quoi aujourd’hui aux loyalistes à part une circonscription et la province Sud ? La menace par la terreur et la violence. J’aurais préféré qu’Alcide Ponga soit élu.

    Dimanche, par rapport à votre score du premier tour, vous avez gagné 12 000 voix sur un réservoir de 11 000 bulletins qui vous était plutôt favorable (avec Calédonie ensemble, le Rassemblement national et l’Éveil océanien) tandis qu’Omayra Naisseline en a gagné 11 000 sur un réservoir favorable de 1 200 voix (avec seulement le MNIS). Comment l’expliquez-vous ?

    Le réservoir de voix dont on dispose n’est pas si élevé que ça aujourd’hui parce que les gens sont partis. Cela fait vingt fois qu’on dit que 20 000 personnes ont quitté le territoire depuis 2019. Tous les six mois, l’Isee annonce que le solde migratoire est négatif de 3 000 ou 4 000 personnes. À un moment donné, cela se voit aussi dans les urnes.

    Si les gens continuent de partir, la première circonscription est gagnable par les indépendantistes.

    Évidemment qu’il y a des abstentionnistes, mais il y a surtout des gens qui sont partis de Nouméa. Et ça va continuer. Si les gens continuent de partir, la première circonscription est gagnable par les indépendantistes. Il faut être aveugle pour ne pas le voir. Et c’est bien la stratégie d’usure mise en place par une partie du monde indépendantiste qui fonctionne.

    C’est-à-dire ?

    Il y a deux stratégies dans le monde indépendantiste. La stratégie à la tahitienne, plutôt portée par le Palika et qui semble être le cas également de Monsieur Tjibaou. Il s’agit de démontrer à tout le monde qu’on peut devenir autonomes économiquement, qu’on peut financer l’indépendance et qu’on va convaincre l’ensemble des communautés à adhérer à ce projet parce qu’il est viable. Je ne suis pas d’accord avec l’indépendance, mais je dois avouer que c’est cohérent. Ces gens ne veulent pas de mal aux Calédoniens. Ils cherchent certes à se séparer de la France mais en convainquant les autres communautés. Ce sont des démocrates avec qui je suis prêt à discuter.

    En revanche, il y a une autre école chez les indépendantistes portée par ceux qui ont créé la CCAT et qui consiste à dire qu’on n’est pas obligés d’attendre aussi longtemps. Et ce, en faisant partir les gens afin qu’avec une démographie favorable aux indépendantistes, la Nouvelle-Calédonie devienne indépendante. C’est la stratégie de la terreur qui fonctionne et c’est pour ça que je dis aux non-indépendantistes de rester et de nous aider à résister à ça en montrant qu’on n’accepte pas ces manœuvres inacceptables.

    A Nouméa, même en étant élu par 75 % des votants, les indépendantistes nous talonnent derrière car notre réservoir de voix est parti, sachant que certains d’entre eux sont toujours inscrits sur les listes. De son côté, Omayra Naisseline a fait le plein de voix, avec 31 000 suffrages. En 2022, Philippe Dunoyer a gagné avec 25 000 voix. Si j’avais fait son score, Omayra serait députée.


    Les bureaux de vote ont fait le plein d’électeurs à Nouméa aux premier et second tours des législatives. Photo Archives LNC / Anthony Tejero

    Les indépendantistes ont fait voter à 100 % les îles Loyauté où j’ai été empêché d'aller faire campagne. Ce score s’explique par la pression exercée sur les Loyaltiens. C’est peut-être la première fois dans l’histoire qu’un candidat dans la première circonscription ne peut pas s’y rendre. C’est difficile de convaincre les gens dans ces conditions.

    Par ailleurs, il y a eu un système de procurations et d’irrégularités, comme on l’a vu à la télé, qui est à relever. Quand on prépare des enveloppes avec les bulletins déjà à l’intérieur et mon tas repoussé au fond, il n’y a pas trop le choix en arrivant au bureau de vote.

    Justement, votre camp conteste la sincérité du scrutin et prévoit de porter des recours devant la justice. Pourquoi ?

    On envisage un recours dans la seconde circonscription car c’est irrecevable dans la première où nous avons gagné. Nous avons constaté de nombreuses irrégularités : on a été empêchés de faire campagne, des accès ont été bloqués, des bulletins préparés dans des enveloppes, etc. On ne peut pas laisser passer ça. Ces recours, c’est pour démontrer ces irrégularités car on sait très bien que ça ne changera pas les résultats d’un côté ou de l’autre. L’écart est trop grand entre Alcide Ponga et Emmanuel Tjibaou. Mais qui ne dit mot consent. Si on ferme les yeux, ça donne l’habitude de procéder de la sorte et, pour moi, c’est inadmissible.


    Dans certains bureaux de vote, les bulletins des candidats indépendantistes ont été favorisés et mis en avant au détriment des bulletins loyalistes. Photo Anthony Tejero

    Au vu des scores, diamétralement opposés entre Nouméa et les îles, comment comptez-vous être le député de l’ensemble de la première circonscription ?

    C’est une question qu’il faut poser aux responsables politiques et coutumiers des îles Loyauté. Est-ce qu’ils veulent que je sois leur député ? J’ai entendu la maire de Maré qui m’appelle à l’aide sur la double insularité mais encore faut-il qu’ils me laissent travailler. Quand les indépendantistes arrêteront de refuser que ceux qui pensent différemment d’eux viennent faire campagne chez eux, on avancera. Je veux bien travailler pour les îles Loyauté, mais il faut me laisser venir.

    Vous représentiez depuis 2022 la seconde circonscription. Dorénavant, vous êtes le député de la première. En quoi cela changera votre mission ?

    Cela ne changera pas grand-chose puisqu’une circonscription n’est pas un exécutif, c’est juste un découpage électoral. Je travaille pour la Calédonie d’une manière générale. Par exemple, j’avais défendu la prison à Nouméa qui n’était pas dans ma circonscription. Je note que je suis le seul à avoir été député des deux circonscriptions. Le seul avantage à ça, c’est d’avoir une photographie globale du pays. Ce ne sont pas les mêmes réalités en fonction des endroits.

    Vous siégerez face à Emmanuel Tjibaou, qui a annoncé se positionner sans surprise à gauche, quand vous vous situez à droite de l’échiquier politique Quelles sont vos relations actuelles et comment comptez-vous travailler ensemble pour le pays ?

    Nos relations sont pour l’instant bonnes, mais je le connais peu. Nos relations sont cordiales et il a l’air d’avoir un discours constructif. Après, il faudra voir à la longue.

    Je le répète encore : nous les non-indépendantistes, on veut travailler avec les indépendantistes. Cela fait 40 ans qu’on le dit. Ce n’est pas nous qui ne voulons pas. Ma question c’est plutôt : est-ce qu’Emmanuel Tjibaou voudra travailler avec moi ?

    L’Éveil océanien notamment déplore que le combat contre le dégel du corps électoral soit " idéologique " puisque les indépendantistes sont arrivés nettement en tête dans un corps électoral totalement dégelé et que ces exactions sont donc un " non-sens ". Quel est votre sentiment ?

    Une élection législative, ce n’est pas un référendum, sinon la Polynésie serait devenue indépendante au scrutin de 2022 qui a vu l’élection de trois députés indépendantistes. Sauf que deux ans après, ils n’en ont plus qu’un. Demain, Emmanuel Tjiabou peut être battu. Les choses évoluent. Je ne lie donc pas du tout à l’avenir institutionnel les résultats de ces législatives.

    Ensuite, l’Éveil océanien a raison de dire que ce combat contre le dégel du corps électoral est idéologique. Moi je n’ai jamais dit qu’il fallait qu’on dégèle le corps électoral car il fallait qu’on gagne des élections. Mon sujet, c’est de permettre à des Calédoniens de pouvoir voter chez eux, même s’il n’y en avait qu’un.

    Le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral a été suspendu avec la dissolution de l’Assemblée nationale. Quelle sera votre position ces prochains mois sur le sujet ?

    Ma position n’a pas changé. Je préfère que ce soit dans un accord global. Et quand bien même, il n’y a pas d’accord global, les prochaines élections provinciales devront se tenir avec un corps électoral dégelé. Le dégel, c’est une obligation autant juridique que politique.

    Des indépendantistes estiment que la pleine souveraineté est " inéluctable " quand votre camp défend que le maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France " n’est pas négociable ". Vos positions sont-elles encore réconciliables ? En particulier en vue d’un accord, préalable au retour à la paix ?

    À un moment donné, il faut que les indépendantistes se réveillent. Même notre autonomie n’est plus inéluctable. La CCAT nous a ruinés. On n’a jamais été aussi dépendants de la France que maintenant.

    Aujourd’hui, on n’est même plus capables de financer nos propres compétences.

    Ils ne peuvent pas dire que l’indépendance est inéluctable alors que Louis Mapou demande 31 milliards à Emmanuel Macron. De quoi parlent-ils ? Il faut m’expliquer. Non seulement on a voté trois fois pour rester Français, mais aujourd’hui, on n’est même plus capables de financer nos propres compétences.

    Crise économique


    Déplacement de campagne symbolique, jeudi 5 juillet, pour le candidat Nicolas Metzdorf dans la zone commerciale détruite du Plexus, selon qui "sans un soutien franc de la République", la population "ne se relèvera pas".

    Vous avez déclaré en tant que candidat que la crise économique dans laquelle plonge le pays sera " l’urgence " du futur député. Quelles sont les priorités et quelle stratégie comptez-vous adopté à Paris ?

    La stratégie est simple : faire comprendre à Paris l’état de la situation. Cela fait deux mois qu’on est là et personne n’est à Paris. Il y a des contacts tous les jours entre le gouvernement, les organisations patronales et les technocrates de Bercy, mais il n’y a pas de discussions politiques sur la situation depuis deux mois. Il faut donc reprendre les bases : se déplacer à Paris en tant que députés, mais pas seulement. Je ne comprends pas pourquoi il n’y a toujours pas de délégation du président du gouvernement composée de tous les chefs de groupe du Congrès pour aller alerter l’État. J’ai également incité les patrons à aller voir leurs structures nationales. Ça ne sert à rien de tirer des plans sur la comète tant qu’on n’est pas allés faire notre travail de lobbying et de pédagogie là-bas. Les responsables politiques et économiques de Nouvelle-Calédonie doivent donc être à Paris en ce moment pour porter la même voix, au-delà de ma simple voix et de celle d’Emmanuel Tjibaou.

    La responsabilité de l’État est immense et notre objectif désormais, c’est de lui faire ouvrir les yeux sur ça.

    C’est là-bas que ça se passe maintenant. Il faut comprendre que le centre de gravité de la politique calédonienne est passé de Nouméa à Paris. Nous ne sommes plus autonomes, nous n’avons plus les moyens de notre autonomie, donc il faut aller voir l’État. Il faut que politiquement, une décision soit prise de sauver la Nouvelle-Calédonie. Pour l’instant, ce n’est pas le cas.

    Qu’attendez-vous concrètement de cette solidarité nationale en termes d’aides ?

    Il faut attendre de la France le maximum car si elle n’est pas en mesure de nous sauver alors qu’elle nous a mis en difficulté à ne pas nous protéger et à laisser brûler les entreprises calédoniennes, car c’est ça la réalité, la question même de la relation avec la France doit se poser. Pourquoi les non-indépendantistes ont voulu être Français ? Pour les valeurs évidemment, mais aussi parce que c’était une protection. Il faut donc que ce soit une vraie protection. La responsabilité de l’État est immense et notre objectif désormais, c’est de lui faire ouvrir les yeux sur ça. C’est la raison pour laquelle je vais partir très rapidement.

    Élections nationales et futur gouvernement

    Ces élections législatives ont vu la victoire du Nouveau front populaire au niveau national, mais sans obtenir de majorité absolue. Comment voyez-vous ce futur gouvernement ?

    Il y a deux choix. Soit Renaissance décide de faire partie de la majorité en faisant une coalition avec la droite notamment, soit le mouvement décide de laisser la France être gouvernée par le Nouveau front populaire.

    Je pense que cette dissolution était une mauvaise idée et n’a rien résolu. Aujourd’hui, on est dans une situation aussi, voire plus instable qu’avant. Ce que je souhaite, c’est qu’on parvienne à faire une coalition des LR jusqu’au PS en passant par Renaissance. Si tel n’est pas le cas, ce serait plus compliqué pour nous. Si c’est le nouveau front populaire au pouvoir, on rentrera en opposition ici et là-bas.

    Savez-vous déjà sous quelle étiquette siégerez-vous ?

    Je siégerai à droite. Soit Renaissance est une force de coalition avec la droite et les socialistes modérés, ce qui ne me pose pas un problème, soit Renaissance s’allie avec la gauche et je n’y serai plus. J’attends de savoir car tout bouge.

    Comment cette recomposition politique pourrait-elle influencer les discussions sur le dossier calédonien ?

    S’il y a un Premier ministre de droite issu d’une coalition ou de Renaissance, tant mieux, si ce Premier ministre est de gauche, cela nous compliquera la tâche.

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