- Anthony Tejero | Crée le 13.11.2024 à 16h20 | Mis à jour le 13.11.2024 à 16h20ImprimerFrancis Maluia, cofondateur du collectif Solidarité RS, estime également qu'il faut reconstruire le collège de Rivière-Salée dans ce quartier où de nombreux jeunes n'ont pas de diplôme. Photo Anthony TejeroPendant près de deux heures, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher ont écouté le ressenti, les doutes et les espoirs d'une soixantaine de Calédoniens réunis, mardi soir, à la mairie de Nouméa. Parmi les pistes qu'ils ont avancées pour sortir de la crise et reconstruire le pays : soutenir le tissus associatif, renouveler la classe dirigeante et sortir d'une politique bilatérale qui n'a fait qu'opposer partisans de l'indépendance et défenseurs de la France.
Étudiants, entrepreneurs, responsables du monde associatif et sportif, jeunes ou vieux…. une soixantaine de Calédoniens ont pu échanger, exprimer leurs sentiments depuis le 13 mai ou encore faire part de leurs inquiétudes et de leurs espoirs, mardi soir, à la mairie de Nouméa. C’est dans cette "maison commune" que Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher ont, pendant deux heures, prêté une oreille attentive et pris beaucoup de notes de ces récits. "Dites-nous ce que vous ressentez et quelles perspectives percevez-vous pour que nous analysions lucidement ce que vous vivez. On est à votre écoute", glisse Gérard Larcher.
"Les associations sont également un pilier"
Une invitation à laquelle ces Calédoniens n’ont pas manqué de répondre, associations en tête. "On a besoin de l’aide de l’État car on a un rôle à jouer pour redynamiser ce lien social, mais aussi à travers notre travail contre les inégalités et en faveur de la jeunesse. En tant que citoyens, on veut être acteurs de la reconstruction du pays", plaide le président de Calédoclean, Thibaut Bizien, qui juge bon de rappeler que le tissu associatif représente près de 3 000 emplois dans le pays. "L’économie est un socle, qu’il est important d’aider, mais les associations sont également un pilier et on est laissés-pour-compte."
Un discours qui résonne avec celui de Francis Maluia, cofondateur du collectif Solidarité RS, né des exactions pour "soutenir alimentairement" le quartier où la plupart des services et des commerces ont été détruits. "Avant le 13 mai, il y avait déjà 30 % de chômeurs et ça s’est accentué, glisse cet habitant, récemment engagé. À Rivière-Salée, on est sortis de la sidération. On n’a plus de bâtiments, mais on est toujours là. Grâce à l’association, on construit des choses formidables dans le quartier, notamment des événements pour pousser les gens isolés à se parler de nouveau. Ce n’est pas simple car il y a encore des réflexes de rejet de l’autre. Mais avec notre travail, notre volonté, l’insécurité a beaucoup baissé. Sauf que si on n’est pas accompagnés dans nos efforts, on va finir par s’épuiser."
"On n'y arrivera pas tant que les politiques nous divisent"
Parmi les interventions, de nombreux jeunes ont également mis en avant des clivages politiques dépassés et une nécessité de renouveler la classe dirigeante tout en insistant sur le rôle crucial de l’éducation. À l’image de Rose qui s’est inscrite en licence de droit, après avoir purgé une peine de prison au Camp Est. "Même si l’État nous donne des milliards, on n’y arrivera pas tant que les politiques nous divisent et restent à leur place. Ce qui sauvera notre jeunesse, c’est l’enseignement. Hier, j’étais derrière les barreaux, demain j’espère que je pourrai travailler devant. C’est pour ça que je me suis inscrite à l’université. Des étudiants, on ne le sait pas, l'ont d'ailleurs défendue pendant les violences pour sauver cet établissement essentiel des destructions."
Au sein de cette assemblée, des jeunes diplômés ont également pris la parole, doutant notamment de la pertinence de rester travailler sur le Caillou. "Je suis revenue chez moi car j’y croyais mais a-t-on encore un avenir ici ?", interpelle une doctorante.
"Je ne me sens ni loyaliste, ni indépendantiste"
Parmi les pistes avancées également, le développement du sport et de filières d’excellence en lien avec l’université. C’est ce que propose Loan Ville, originaire de Koumac, qui a intégré l’équipe de France d’athlétisme, en mai dernier : "Le sport est un vecteur d’épanouissement qui doit être davantage mis en avant car il permet de porter des valeurs et notre diversité. C’est un des lieux du vivre ensemble, estime cette jeune métisse. J’ai une maman kanak et un papa blanc, ce qui m’a posé des problèmes. J’aimerais pouvoir faire abstraction de la politique car je ne m’y reconnais pas. Je ne me sens ni loyaliste, ni indépendantiste. En mai, lorsque j’ai enfilé le maillot de l’équipe de France en voyant ce qu’il se passait ici, c’était très dur. Car je suis Française, mais je suis aussi Kanak. Le porter, c’était une manière de montrer qu’on fait partie de vous et qu’on peut, nous aussi, aller très haut."
Loan Ville, originaire de Koumac, qui a intégré l'équipe de France d'athlétisme, "a encore beaucoup d'espoir pour notre pays". Photo Anthony TejeroCette question de l’identité et cette critique de la bipolarisation de la politique, entre la volonté d’indépendance ou le choix du maintien dans la France, a d’ailleurs émaillé bon nombre de prises de paroles. "En tant que métisses, où sommes-nous ? J’ai fait l’effort d’apprendre l’histoire française et la culture kanak, mais qui a fait l’effort d’apprendre nos cultures ?" interpelle Thierry Timan, à la tête de l’Association indonésienne de Nouvelle-Calédonie, qui rappelle que toutes les communautés "déracinées de leur terre" et "venues de force" sur le Caillou sont également des "victimes de l’histoire". "Moi je n’ai que la Nouvelle-Calédonie comme pays. Le problème, c’est que pendant 40 ans, on est resté dans le Oui ou le Non, sans bâtir de projet de société." Un constat, partagé par d’autres participants, qui a clos ces échanges.
Il faut trouver pour la Nouvelle-Calédonie "une solution singulière, unique et novatrice"
Gérard Larcher et Yaël Braun-Pivet ont pris la parole seulement à la fin de la séquence, privilégiant l’écoute de chacun des intervenants.À l’issue de ces prises de paroles, les parlementaires se sont dits "très touchés et marqués" par leurs séquences du jour, tant leur visite au Mont-Dore que les récits entendus dans la salle d’honneur de la mairie de Nouméa.
Yaël Braun-Pivet, qui a rappelé s’être elle-même engagée avant de commencer sa carrière politique, a tenu à rebondir, à son tour, sur l’importance des associations dans la résolution de la crise qui secoue le Caillou. "J’ai toujours été convaincue que nous en avions immensément besoin. Les associations sont là pour construire une société, pour se dire qu’on a une place à prendre, une part à prendre dans le développement de cette société et d’un vivre-ensemble, insiste la présidente de l’Assemblée nationale. Je vous ai beaucoup entendu dire ce soir que vous aviez un rôle à jouer, que vous le vouliez. Et c’est, je crois, le plus important pour moi car cette base-là, elle est très solide et féconde."
Alors qu’une poignée de participants ont évoqué le lien de la France avec ses "colonies lointaines" ou encore le fait que les "accords n’ont pas encore abouti à 100 %", Yaël Braun-Pivet est également revenue sur ce dossier de l’avenir institutionnel et du devenir du Caillou : "La République française est diverse de ses territoires qui empruntent des chemins qui peuvent être différents. C’est ce que nous voyons avec les territoires dits d’outre-mer. On est en train de construire un chemin particulier, adapté pour chacun d’entre eux, en fonction de leur spécificité, de leur histoire et de ce que veulent les populations locales. Et c’est donc ce qu’il faut qu’on construise pour la Nouvelle-Calédonie". À savoir, trouver "une solution singulière, unique et novatrice".
Et pour ce faire, les parlementaires assurent qu’ils "seront là pour accompagner" le pays. "Nous avons un intérêt commun avec le président du Sénat depuis longtemps pour la Nouvelle-Calédonie, et cet intérêt ne va pas s’arrêter lorsque nous allons remonter dans l’avion. Vous pouvez compter sur nous, nous ne vous lâcherons pas", insiste Yaël Braun-Pivet qui ne minimise pas pour autant les "difficultés" à avancer les uns avec les autres "lorsqu’il y a autant de souffrances", mais "on n’a pas le choix" de faire autrement.
Une position que partage Gérard Larcher, jamais à court de citations d’auteurs (Larochefoucauld en l’occurrence) : "Il n’est nulle difficulté que les hommes et les femmes d’esprit ne puissent transformer en succès."
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