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    Nouvelle Calédonie
  • Anthony Tejero | Crée le 19.10.2024 à 18h26 | Mis à jour le 19.10.2024 à 18h36
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    Le ministre des Outre-mer François-Noël Buffet s’est rendu au Médipôle, ce samedi 19 octobre, pour clore sa visite de quatre jours en Nouvelle-Calédonie. Photo Anthony Tejero
    C’est un véritable exode médical que connaît le pays depuis les exactions de mai. Alors que les équipes toujours en place "sont à bout" dans l’ensemble des services du Médipôle, la relève n’apparaît toujours pas, faute de stabilité et de sécurité sur le Caillou, en mal d’attractivité. Des messages que les équipes ont fait passer au ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, ce samedi matin. Reportage.

    "J’ai le choix entre partir d’ici pour construire quelque chose ou rester vivre ici avec une épée de Damoclès au-dessus de ma tête". Depuis treize ans, Damien* ne compte pas ses heures et ne ménage pas sa peine pour soigner les Calédoniens. Mais les exactions qui secouent le pays depuis mai ont eu raison de la motivation de cet infirmier en bloc opératoire, qui a décidé de quitter le Caillou, en quête de nouvelles perspectives. Un choix vécu comme "un échec" par ce jeune homme de 32 ans. "J’ai été formé ici, mais je ne veux plus vivre comme ça. On a fait face à des situations de médecine de guerre avec les blessés par balles. Certains émeutiers nous insultaient pendant qu’on les soignait. Éthiquement, c’est très difficile. Certains de mes collègues ont craqué", confie ce soignant qui juge "inacceptable" les violences auquel ses collègues et lui font encore face. "Le 24 septembre, alors que je sortais en voiture de mon service, à 18h30, j’ai reçu un caillou de la taille du poing. Sur cette route, il n’y a aucun éclairage public et pas de sécurité. On vit tous dans la crainte et cela laisse des stigmates."

    Des chiffres vertigineux

    Depuis cinq mois, ce témoignage est devenu presque banal au Médipôle qui subit une véritable hémorragie. Dans l’ensemble des services, les départs de personnels soignants sont massifs et ne cessent de s’aggraver au fil des semaines. Actuellement, 10 % des médecins sont déjà partis. Un taux qui devrait bondir à 16 % en novembre, puis à 18 % d’ici la fin de l’année (un chiffre qui explose et atteint même les 83 % dans les dispensaires du pays). Même constat du côté du personnel soignant, avec déjà 80 infirmiers de moins sur un effectif initial de 400. Du côté des internes, le tableau n’est pas plus réjouissant : moins de la moitié des nouvelles recrues, soit 19 étudiants sur 40, ont accepté de venir sur le Caillou. Et ce, alors qu’une soixantaine de candidatures avaient été adressées au Médipôle, avant les émeutes.

    "Nos équipes sont déjà à bout"

    Conséquence de cet exode médical : 83 lits ont été fermés dans l’hôpital. "À cette période de l’année, on n’avait jamais connu ça. La situation est très tendue, confirme Laurence Tuikalepa, la directrice des soins. Pour l’instant, nous avons toujours une baisse de l’activité de 15 à 20 %. Ce qui nous inquiète, c’est que les patients reviennent doucement mais sûrement, sans qu’on ait les effectifs suffisants pour les prendre en charge alors que nos équipes sont déjà à bout."

    Une chute de la fréquentation "difficile à comprendre" qui engendre des retards de diagnostics de pathologies à des stades déjà très avancés, notamment pour les cancers. "Entre la résignation aux soins, la difficulté d’accessibilité, la perte de pouvoir d’achat, le changement des priorités, on ne sait pas exactement pourquoi les patients viennent moins, mais ce qu’on constate c’est que les gens arrivent souvent plus tardivement, regrette le Dr Thierry de Greslan. Le président de la commission médicale d’établissement du CHT (centre hospitalier territorial) lance d’ailleurs un appel à la population "à venir consulter comme avant, et ne pas attendre que les symptômes s’aggravent ou apparaissent"

    "Nous devons absolument les garder avec nous"

    Autant de difficultés dont le médecin a fait part au ministre des Outre-mer, François-Noël Buffet, lors de sa visite du Médipôle, ce samedi matin. Notamment sur le besoin de stabilité dans le pays afin de redevenir attractif auprès du corps médical. "Je crois qu’il a compris le degré d’urgence de notre situation. La santé, à l’égal de l’éducation et de la sécurité, sont des piliers qui font que les gens restent et ont envie d’investir sur le territoire. On n’est pas différent des autres, mais il y a une vraie urgence aujourd’hui au recrutement, insiste le Dr Thierry De Greslan, qui tente de poursuivre un objectif : maintenir "le socle" de ses effectifs, à savoir les personnels durablement installés qui envisagent à leur tour de partir. En général, les jeunes Métropolitains représentent 25 % de nos équipes avec un fort turn-over. Mais là, nous commençons à avoir des praticiens hospitaliers qui ont investi ici et qui mettent leur maison en vente pour partir avec leurs enfants avant la prochaine rentrée en France, d’ici septembre 2025. Nous devons absolument les garder avec nous." Sans quoi la situation pourrait devenir "catastrophique", alerte ce médecin.

    "Il y a urgence à ce que la Nouvelle-Calédonie retrouve de la sérénité"

    À l’issue de sa visite, le ministre des Outre-mer a confirmé que la situation médicale au Médipôle, ainsi qu’à l’échelle du pays, est "très préoccupante". "Il y a une urgence à ce que la Nouvelle-Calédonie retrouve de la sérénité et de la perspective parce que cela a un effet direct sur la capacité à ce que les médecins, les infirmiers, les personnels soignants viennent s’installer ici et reprennent le service de soins", insiste François-Noël Buffet, qui qualifie le climat qui a régné aux abords du Médipôle aux premiers jours des émeutes "d’ultra-violence", mais estime tout de même "essentiel" que "l’accès aux soins et à l’hôpital aient été maintenus et sécurisés" par les forces de l’ordre.

    Pour autant, de nombreux patients n’ont pu se rendre dans leurs structures de santé, laissant présager de nombreuses victimes dites "collatérales" de ces émeutes. Un chiffre qui "n’est pas quantifiable" aujourd’hui, indique le ministre qui a lui même posé la question aux équipes du Médipôle. "Je n’ai pas la réponse malheureusement. Il faudrait que les familles dans lesquelles ces drames sont arrivés puissent se signaler et le dire afin d’avoir une estimation."

    25 blessés par balles ?

    Toujours est-il, si les chiffres sont difficiles à obtenir depuis le 13 mai, lorsque le ministre a demandé au cours de sa visite combien de blessés par balles ont été reçus au Médipôle (hors forces de l’ordre), le nombre de 25 personnes a été avancé par l’État, sans en revanche officialiser cette donnée qui comprendrait également certaines victimes décédées des suites de leurs blessures.

    Quant à l’envoi de renforts, via la réserve sanitaire nationale, ce n’est plus qu’une affaire "de jours", si ce n’est "de semaines" lance le ministre. "C’est engagé, les principes sont acquis."

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