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    Nouvelle Calédonie
  • LNC | Crée le 14.07.2024 à 05h00 | Mis à jour le 09.08.2024 à 10h23
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    Famille Bellier François, le fils de François-Joseph, et Régina Bellier avec quatre de leurs enfants devant leur maison à Farino : à gauche, Régina porte Guy. Salvador et Alcide entourent leur père. Clotilde est assise. François Bellier et Régina née Rich Photo DR
    Huitième épisode de notre saga sur ces familles issues du bagne. De petits larcins de subsistance en vols, François-Joseph Bellier avait bien mal commencé sa vie. Loin de ses mauvaises fréquentations, à Prony puis à Farino, le forçat s’amende, se marie et fait venir sa sœur nécessiteuse en Nouvelle-Calédonie. Monique Grenda, son arrière-petite-fille, raconte.

    " La famille Bellier est très modeste et déménage à l’intérieur de la Mayenne au gré des emplois du père, journalier et tisserand. François-Joseph naît le 18 mars 1852 à Saint-Georges-Buttavent et choisit le même métier que son père. À l’âge de 19 ans, il commence les bêtises. Avec deux compères tisserands comme lui, il commet des vols dont on peut penser qu’ils sont de nécessité. Il est arrêté une première fois et condamné à cinq ans d’emprisonnement. Il purge sa peine à la maison d’arrêt de Fontevrault près d’Angers, une prison qui a la réputation de s’occuper des jeunes en détresse, de les remettre dans le droit chemin. Or l’administration considère qu’il a une mauvaise influence sur le garçon de 16 ans qui l’accompagnait dans ses vols, il est donc transféré, le 4 septembre 1873, à Castelluccio, en Corse. Là-bas, il rencontre un certain Rivas, avec lequel il va devenir très ami et les ennuis sérieux vont commencer… "


    Famille Bellier Alcide, Clotilde, leur mère Régina et Guy devant la mairie de Farino. Photo DR

    Monique Grenda a devant elle plusieurs classeurs. Un par personne, un par bagnard pourrait-on dire car son arrière-grand-père François-Joseph va s’unir à une femme condamnée. Chaque vie y est minutieusement retracée et, petit à petit, document après document, voyage après voyage, ces pages forment un récit plutôt complet. Un récit dur, drôle, émouvant parfois, avec ses parts d’ombre et ses détails. " L’histoire de François-Joseph n’a jamais été racontée le soir au coin du feu dans notre famille, et pour cause ; pourtant, elle mérite de l’être, comme celle de toute vie. "

    L’exil forcé

    " Ainsi nos deux larrons vont se fixer du côté de Sisteron. La prison n’a pas calmé les ardeurs de François-Joseph, loin de là, puisqu’il commet des vols chez des particuliers, par escalade, la nuit, et détrousse des personnes à main armée. Ce butin, il le cache dans une grotte quasi inaccessible, appelée aujourd’hui la caverne du Trou d’argent. La police finit par trouver la cachette qui s’avère être une grotte tout à fait exceptionnelle par la présence d’ossements. Les scientifiques sont ravis, les voleurs beaucoup moins.

    La cour d’assises de Digne les condamne le 5 septembre 1877 à vingt ans de travaux forcés pour vols qualifiés. "


    Famille Bellier A gauche : Alfred Bellier, le deuxième fils de François-Joseph. Il épouse Joséphine Léonard en 1944 à Farino, ils ont cinq enfants : Evelyne, compagne de Fernand Tefatau ; Albert, époux de Rosiane Amidi ; Danielle, épouse de Raymond De Greslan ; Eugène, époux de Viviane Lecole ; Michel (célibataire). A droite : François Bellier avec ses filles et trois de ses petits-enfants en 1953. De droite à gauche, François, Clotilde et Maryse et les trois enfants de Clotilde : Maryline qui tient la main du grand-père, Monique dans les bras de sa mère Clotilde, et Anne-Marie dans les bras de Maryse. Photo DR

    François-Joseph embarque sur le Tage en rade de Saint-Martin-de-Ré le 21 février suivant et arrive à l’île Nou le 9 juin 1878. " Mon arrière-grand-père est envoyé à Prony, sur l’exploitation forestière gérée par l’administration pénitentiaire. Il devient bûcheron. Cinq années passent, visiblement son comportement est bon et il peut prétendre au mariage. Le 17 août 1883, il épouse donc à Bourail Julia Noyon, pensionnaire du couvent. Ce jour-là, 23 mariages sont célébrés. Les jeunes époux repartent aussitôt dans le Sud, s’installer sur une concession obtenue une semaine plus tard. "

    Une terre à Farino

    " Leur premier enfant, François, mon grand-père, naît le 15 janvier 1885 au village de la baie des Kaoris. J’ai souvent été dans le Sud pour tenter d’imaginer ce que pouvait être leur vie là-bas. Les conditions étaient vraiment dures, il n’y avait pas grand-chose. La famille travaille la terre, une terre inculte et peu rentable. En 1893, l’administration pénitentiaire lui octroie en échange le lot 21 à Farino où la culture est plus favorable semble-t-il, concession qui deviendra définitive en 1898. "


    Famille Bellier A gauche : Raymond Bellier, né en 1919, il est l’un des trois fils de François et Aline Perron. Parti en France avec son frère Julien après le décès de sa mère, il a fait sa vie en Métropole. Raymond est au côté de son épouse Raymonde Drecq avec leur premier enfant Raymond. A droite : Théophile Bellier, son épouse Simone Orezzoli, au mariage de leur fille Donia. Théophile, né en 1916, est le fils de François Bellier et Hélène Rossard. Photo DR

    Grâce à une remise de peine de deux ans, François-Joseph est libéré le 12 septembre 1894. À la même époque, sa sœur Maria (épouse Rouillard) est dans une situation difficile en France. Il demande l’autorisation de la faire venir ainsi que ses deux enfants. Maria embarque sur un navire des Messageries maritimes à Marseille, l’Armand-Béhic, et arrive le 12 mars 1895 en Nouvelle-Calédonie où elle s’installe au côté de son frère. Charles, son fils âgé de 16 ans, décède peu de temps après leur arrivée tandis que sa fille Maria, âgée de 13 ans, épouse quelques années plus tard Joseph Charbonnel à La Foa.

    Notre grand-père est décédé en 1955, nous l’avons peu connu mais la propriété de Farino est restée longtemps un point de ralliement de la famille.

    " Un deuxième fils, Alfred, agrandit la famille de l’ancien forçat. Il naît le 19 août 1901 à Farino, où le père est toujours cultivateur. Mais à peine quatre ans plus tard, en 1905, François-Joseph décède à Prony. Nous ignorons pourquoi la famille est redescendue dans le Sud. L’année du décès, François, le fils aîné de François-Joseph, a 20 ans, il est recensé par l’armée et se déclare charpentier de marine, domicilié à Prony. Dès lors, qui reste sur la concession à Farino ?

    Nous pensons que Maria, la sœur de François-Joseph, réside à La Foa auprès de sa fille jusqu’à son mariage avec Léon Lefebvre, en juin 1913 à Nouméa.


    Famille Bellier A gauche : Salvador Bellier, le fils aîné de François et de Régina, est au côté de son épouse Rose Arsapin. Il est le père de Joëlle épouse Taofifenua, Joselyne épouse Connan et Marie-Claude épouse Michel-Villaz. Au centre : Clotilde Bellier et son époux Georges Dillenseger. Elle est la mère de Monique Grenda. A droite : Mariage de Maryse Bellier avec Emile Gastaldi en 1961 à Thio. Photo DR

    Julia, veuve, reste à Prony où elle se remarie en 1906 à François Martin, un mineur. Elle décède en 1912, laissant son jeune fils Alfred, âgé de 11 ans, orphelin. Nous ne savons pas non plus qui a élevé l’enfant, dont nous n’avons aucune trace jusqu’au recensement de ses 20 ans, il est alors manœuvre à Dumbéa. "

    Une grande descendance

    " Notre grand-père a lui aussi eu une vie un peu chaotique. En 1908 à Prony, naît sa première fille, Irène. Puis il a deux autres enfants, Yvonne en 1911 et Théophile en 1916 avec Hélène Rossard. Après avoir été charpentier de marine, il devient journalier. Avec une autre compagne, Aline Perron, il a de nouveau trois enfants, Louis, Raymond et Julien, mais leur mère décède alors qu’ils sont très jeunes. Un couple aisé, les Chauvière, prend sous son aile les deux derniers et les emmène en Métropole.

    À Paris, ils apprennent le métier d’imprimeur. Pendant tout ce temps, leur père entretient une correspondance avec eux. Raymond reste en France, Julien revient à 16 ans mais décède l’année suivante. Louis, quant à lui, est resté à l’internat de Bourail, il s’est marié à Poum en 1952 avec Marie Vilotte et il décédera en 1982 au Mont-Dore sans avoir eu d’enfants.

    Finalement, François rencontre notre grand-mère Régina Richard. Ils se marient à Farino le 20 septembre 1924.


    Famille Bellier De gauche à droite : Joëlle Taofifenua, Joselyne Connan, Marie-Claude Michel-Villaz et Monique Grenda, toutes les quatre arrière-petites-filles de François-Joseph Bellier et de Julia Noyon. Photo DR

    Ils s’installent sur le lot 18 appartenant à la famille de Régina et ont ensemble sept enfants : Salvador (décédé à 2 mois), Salvador, Alcide, Agathe (décédée à 4 ans), Clotilde, Guy et Maryse. Ils avaient des caféiers, toute notre enfance nous avons joué et donné la main dans les cultures ! Notre grand-mère faisait du café chaussette que nous avalions froid avec du lait. Notre grand-père est décédé en 1955, nous l’avons peu connu mais la propriété de Farino est restée longtemps un point de ralliement de la famille.

    Alfred, le deuxième fils du forçat, épouse Joséphine Léonard en 1944 à Farino et a cinq enfants : Evelyne, Albert, Danielle, Eugène et Michel. Les deux frères n’étaient pas si proches, malheureusement nous ne connaissons pas encore cette branche de la famille. "

    Julia, l’espoir d’une vie meilleure

    Julia Noyon est née à Avesnes-sur-Helpe dans le Nord, issue d’une famille pauvre. Elle commet ses premiers vols à 16 ans : des bas de laine, des chaussons, un peu d’argent.

    Elle est condamnée plusieurs fois, ses peines allant de dix jours à un an d’emprisonnement.

    Le 22 juin 1881, elle est de nouveau arrêtée et condamnée à deux ans de prison pour vol.

    Elle a 20 ans et purge sa peine à la citadelle de Doullens. Elle avait un enfant dont la famille n’a retrouvé aucune trace. Sans doute volontaire, en tout cas n’ayant rien à perdre, elle embarque pour la Nouvelle-Calédonie à bord de l’Océanie le 10 mai 1883.

    Lors du voyage, la peine court toujours, si bien qu’à peine arrivée dans la colonie, le 4 juillet 1883, elle est libérée. Sans ressources, elle est dirigée vers le couvent des sœurs de Saint-Joseph à Bourail. Le mois suivant, la voilà mariée et en route pour Prony.

    Note

    Cette série sur les destins de familles issues de la colonisation pénale, tirée du livre Le Bagne en héritage édité par Les Nouvelles calédoniennes, est réalisée en partenariat avec l’Association témoignage d’un passé.

    Cet article est paru dans le journal du 1er avril 2017.

    Une dizaine d'exemplaires de l'ouvrage Le Bagne en héritage, certes un peu abîmés, ainsi que des pages PDF de la parution dans le journal sont disponibles à la vente. Pour plus d'informations, contactez le 23 74 99. 

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