- Anne-Claire Pophillat | Crée le 04.04.2025 à 05h00 | Mis à jour le 04.04.2025 à 05h00ImprimerLes lauréats ont été annoncés lors d’une conférence de presse à la station N, jeudi 3 avril. Photo A.-C.P.Huit start-up et entreprises calédoniennes ont été retenues pour se rendre au plus grand salon européen dans le domaine de l’innovation technologique, VivaTech, du 11 au 14 juin à Paris. Gros plan sur deux d’entre elles, FireTracking, une solution qui détecte et localise les départs de feu et en informe les pompiers, et Visioon, une plateforme qui donne des informations sur les poissons aux visiteurs des aquariums.
Leurs noms ont été rendus publics jeudi 3 avril à la Station N lors d’une conférence de presse menée par Christopher Gygès, en charge du numérique. Huit start-up et entreprises calédoniennes se rendront à Paris du 11 au 14 juin au plus grand salon européen de la Tech, VivaTech* 2025, qui représente pour elles une opportunité de rencontrer des investisseurs et de nouer des partenariats. Un déplacement soutenu par le gouvernement. D’une part, relève Christopher Gygès, "c’est important d’avoir de la communication positive en ce moment en Nouvelle-Calédonie et de montrer que le territoire continue à innover et avancer". D’autre part, ce soutien s’inscrit dans les objectifs de l’exécutif. "On a fait le choix, depuis quatre ans, de faire de la Tech une nouvelle filière, un vrai secteur de diversification."
De 10 à 60 start-up en 5 ans
Et visiblement, le potentiel est là, affirme Christopher Gygès. "Entre 2019 et aujourd’hui, on est passé de 10 start-up à environ une soixantaine. On voit qu’il y a un vrai dynamisme dans ce secteur." La relance, il y a quelques mois, de l’Observatoire du numérique et de la Tech, devrait permettre de disposer dans quelque temps de données actualisées.
Plusieurs participants ont souligné, hier matin, lors de leurs interventions, la possibilité de développement économique que représente la filière, évoquant tour à tour "une voie d’avenir", "un levier de croissance", "une ouverture à l’exportation", et plaidant pour une augmentation de la part de l’économie numérique dans le PIB. Pour ce faire, Christopher Gygès annonce la présentation, "bientôt", "d’un plan stratégique sur l’économie numérique", qui comprendra une partie dédié à l’intelligence artificielle, dont l’utilisation s’est accrue en Nouvelle-Calédonie. "On constate une vraie transition cette année. Beaucoup d’entreprises se servent de l’IA, ce qui n’était pas encore le cas il y a un an." Le membre du gouvernement mentionne même la création d’une zone franche dédiée à l’IA "très prochainement".
"Firetracking peut détecter un feu en moins de 3 minutes"
Jean-Simon Chaudier, directeur général de FireTrakcing.Comment est née l’idée de FireTracking ?
En Nouvelle-Calédonie, on brûle entre 10 et 15 % de la surface totale des forêts, c’est l’équivalent de ce qui brûle sur l’ensemble du territoire hexagonal. Il y avait un vrai besoin de trouver des solutions pour faire face à ce problème.
Comment êtes-vous passé à la concrétisation du projet ?
Une fois qu’on a l’idée, la seconde étape est de confirmer la profondeur du marché. C’est-à-dire voir s’il y a un potentiel ici et à l’international. Puis, on s’est rapproché d’une structure qui nous a accompagnés sur le volet de l’intelligence artificielle. Trois docteurs de l’École normale supérieure et de Polytechnique travaillent sur notre projet depuis plus de trois ans. C’est ce qui nous a permis d’avoir une IA plus performante que ce qu’on trouve sur le marché aujourd’hui. Et nous avons été accompagnés dans le développement commercial.
Comment fonctionne FireTracking ?
On installe des caméras sur des points hauts, comme des antennes OPT, qui surveillent sur un rayon de 20 km et à 360 degrés en continu. Ces caméras sont connectées à notre intelligence artificielle qui va détecter les départs de feu et les localiser, puis envoyer une alarme aux pompiers.
À qui s’adresse FireTracking ?
C’est destiné aux collectivités, aux professionnels du feu, aux gestionnaires forestiers. Et aussi aux acteurs industriels qui disposent d’installations au milieu de la forêt et qui souhaitent les protéger. En Nouvelle-Calédonie, on pense par exemple aux centrales photovoltaïques.
"Cela fait bientôt un an et demi que FireTracking est développé sur le Mont-Dore. Depuis, aucun feu majeur n’a été noté dans la zone surveillée. Cela représente des gains économiques directs, parce que les coûts pour lutter contre les feux sont importants."
Est-ce que votre solution est utilisée sur le territoire ?
Cela fait bientôt un an et demi qu’elle est développée sur le Mont-Dore, avec la mairie et la province Sud, notre premier client, et depuis, aucun feu majeur n’a été noté dans la zone surveillée. Cela représente des gains économiques directs, parce que les coûts pour lutter contre les feux sont importants. Cette expérience nous a permis de nous déployer à plus grande échelle, notamment en France, dans le département d’Indre-et-Loire. On va y surveiller la quasi-totalité du département, ce qui représente plus de 1000 km² de forêt.
Vous avez d’autres projets ?
On a une grosse dynamique en France qu’on essaie de saisir. Après, on a des opportunités en Australie, en Amérique du Nord, en Amérique du Sud aussi, et dans quelques pays de l’Europe du Sud. FireTracking est une des meilleures solutions qui existent dans ce domaine sur le marché, car on détecte un feu moins de 3 minutes après qu’il a démarré, ce qui est très rapide. On est aussi les seuls à détecter les feux avec moins de 10 % de fausses alarmes. La plupart de nos concurrents ont entre 50 à 95 % de fausses alarmes. On sait également les localiser très précisément, avec moins de 100 m d’erreur.
Qu’attendez-vous du salon VivaTech ?
Cela va nous permettre d’accélérer notre développement en France, en signant notamment un partenariat avec une filiale du groupe Bouygues, pour distribuer notre produit sur l’ensemble du territoire français. Et aussi de conclure notre levée de fonds.
Est-ce que vous avez trouvé en Nouvelle-Calédonie les conditions pour pouvoir créer votre start-up ?
Oui, la Nouvelle-Calédonie est un territoire propice pour donner naissance à des start-up. Il existe tout un écosystème qui facilite l’innovation avec des compétences qui peuvent nous accompagner au lancement du projet. On a aussi des structures de financement qui peuvent nous aider. Et puis, il y a des acteurs publics et privés qui sont prêts à faire le pari de miser sur des start-up. Après, ce qui est extrêmement important quand on est basé ici, c’est de tout de suite penser à l’export, à l’international.
"Visioon permet d'en apprendre plus sur les poissons"
Robin Quere, développeur chez Visioon.Comment est née l’idée de Visioon ?
L’idée est venue en visitant un aquarium et en se rendant compte, en regardant les poissons, qu’on avait peu d’informations sur eux et qu’on pouvait être frustré de ne pas en savoir plus sur qui ils sont, à quoi ils servent dans leur environnement naturel, etc.
Comment avez-vous développé votre projet ?
C’est très compliqué. Il a fallu d’abord échanger avec différents aquariums, pour savoir comment on peut y intégrer une telle solution, puis voir comment la mettre en place, comment réussir à reconnaître des poissons avec l’intelligence artificielle et apporter des informations utiles aux utilisateurs. Donc on a dû faire beaucoup de recherches et développement.
À la base, il y a un intérêt particulier pour le milieu marin ?
Oui, exactement. La fondatrice de la start-up a fait un doctorat en biologie marine, il y a une réelle passion des poissons.
Comment est-ce que cela fonctionne ?
C’est une borne avec une tablette, qui est installée devant le bassin, et on peut appuyer sur différentes images de poissons et voir en direct ce qu’il se passe sur l’écran. L’objectif, c’est notamment d’en apprendre plus sur les petits poissons, ceux qu’on oublie un petit peu, ou auxquels on porte moins d’intérêt.
"On a un client dans l’Hexagone, l’aquarium Nausicaa, à Boulogne-sur-Mer, qui est le plus grand d’Europe. Et puis, on est en train de prospecter des clients aux États-Unis, en Asie, au Moyen-Orient, un petit peu partout dans le monde."
Vous venez d’installer votre solution à l’aquarium des lagons, à Nouméa. Avez-vous d’autres perspectives ?
Dans l’Hexagone, on a un client, Nausicaa, à Boulogne-sur-Mer, qui est le plus grand aquarium d’Europe. On est en train de prospecter des clients en France, mais aussi aux États-Unis, en Asie, au Moyen-Orient, un petit peu partout dans le monde. Après, ce sont des processus qui mettent du temps, parce que les aquariums s’engagent sur plusieurs années, les ventes prennent du temps.
Est-ce que cela signifie qu’en Nouvelle-Calédonie, il est possible d’être innovant ?
Oui, avec un attrait pour la biodiversité, les lagons calédoniens, on peut avoir des idées qui apparaissent, et finalement créer des outils innovants qui peuvent faire rayonner la Calédonie dans le monde entier. On a aussi créé un coproduit, des vidéos du récif corallien autour du phare Amédée. Avec ces enregistrements, on propose la même solution, la reconnaissance de poissons, pour que les gens qui ne peuvent pas plonger ou aller dans l’eau puissent voir les fonds marins de Nouvelle-Calédonie et apprendre des choses sur les différents poissons tropicaux.
Qu’attendez-vous de votre participation à VivaTech ?
Il y a deux ans, la fondatrice y était déjà allée, et c’est ce qui avait enclenché la signature avec Nausicaa. Cette année, c’est une vraie reconnaissance de pouvoir prolonger. Très concrètement, cela représente potentiellement du travail, des signatures de contrat, travailler le réseau, que ce soit dans l’Hexagone ou en Europe.
Les huit lauréats
- Firetracking : solution d’intelligence artificielle qui détecte et localise automatiquement les départs de feu pour alerter pompiers et gestionnaires forestiers avant qu’il ne soit trop tard.
- Ollos : progiciel pour le bilan et la rééducation de la vision fonctionnelle assistés par ordinateur.
- Testeum : plateforme de tests d’expérience utilisateur.
- Visioon : plateforme permettant aux visiteurs d’aquariums d’interagir en temps réel avec les poissons et fournissant aux gestionnaires des données de monitoring des bassins, incluant une version extérieure mettant en avant les poissons dans leur environnement naturel.
- Biifor : solution pour automatiser la gestion financière des entreprises, offrant aux dirigeants un pilotage en temps réel et une comptabilité sans saisie manuelle.
- Optimal RH : logiciel de gestion des ressources humaines déjà déployé en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, en Martinique et en France.
- Prospeak AI : assistant intelligent qui répond automatiquement aux messages des clients sur Messenger, tout en créant des publicités Facebook pour aider les entreprises à attirer plus de prospects et à vendre plus.
- OPS insight : plateforme qui combine intelligence artificielle et automatisation de la gestion réglementaire pour permettre aux compagnies aériennes de gagner en performance, en sécurité et en productivité.
Note
*VivaTech en 2024 : 13 500 start-up présentes, 400 conférenciers de renommée mondiale, 150 000 visiteurs issus de 174 pays et 3 500 investisseurs.
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