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    Nouvelle Calédonie
  • Anthony Tejero | Crée le 22.05.2024 à 05h15 | Mis à jour le 24.05.2024 à 19h40
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    A l'entrée d'Auteuil, les barrages demeurent nombreux ce mercredi, neuvième jour d'émeutes sur le Caillou. Photo Anthony Tejero
    Alors que les exactions frappent l’agglomération depuis neuf jours, dans certains quartiers, des habitants sont encore "piégés" par les barrages tenus par des émeutiers, qui chaque nuit, ravivent les tensions et les peurs. Témoignages de Calédoniens "épuisés et à bout de nerfs".

    "Ce sont des choses que je n’oublierai jamais. C’est gravé au fond de moi". La première nuit d’émeutes, le 13 mai dernier, a marqué un tournant dans la vie de Julien, jeune homme d’une vingtaine d’années. Ce soir-là, ce résident de Rivière-Salée s’est vraiment cru "en guerre" face à des émeutiers qui ont pillé et brûlé les commerces puis des maisons du secteur. "C’était terrible. Ça pétait de partout. Plusieurs voisins sont venus se réfugier chez nous pour qu’on soit plus nombreux et dissuasifs en cas d’intrusion et d’attaque." Le lendemain, aux aurores, cet habitant décide de fuir avec ses parents. Sauf que cette famille ne tarde pas à rebrousser chemin pour tenter de faire face et protéger tant qu’il est encore temps leur domicile. Dès lors, Julien s’est retrouvé "prisonnier" de son propre quartier.

    Une vie reclus "la peur au ventre"

    Depuis une semaine, ce jeune homme vit "piégé", "la peur au ventre". Un quotidien "épuisant" que partagent des centaines, si ce n’est des milliers de Calédoniens. Rivière-Salée, Kaméré, Vallée-du-Tir, Portes-de-Fer, Auteuil, Koutio, Boulari… Les enclaves encore tenues par les émeutiers sont nombreuses dans l’agglomération. Et les nuits deviennent interminables pour certains de ces résidents qui se sentent "totalement abandonnés" et "au bout de leur vie".

    "C’est très compliqué, on ne dort plus et on se sent exténués. Ce qui nous sauve, c’est de ne pas être seuls et d’être solidaires entre voisins, notamment pour la nourriture ou les médicaments. Malheureusement, beaucoup de monde a fui. Et le problème, c’est que si on laisse nos maisons, elles sont à leur tour pillées, assure Julien, pour qui les renforts militaires auraient dû être anticipés, au vu des tensions qui couvaient depuis de longues semaines dans le pays. Je suis très en colère de ça, mais aussi triste et dégoûté. Je suis arrivé ici enfant, et le vivre ensemble je l’ai toujours vécu à l’école, au collège, etc. Pourquoi est-ce que ça arrive maintenant ? Ces jeunes ont le cerveau retourné par des politiques prêts à tout et qui se cachent. "

    Une question parmi tant d’autres qui se bousculent dans l’esprit du jeune homme en ces heures sombres que traverse le Caillou : "Je réfléchis beaucoup à mon avenir. Mes racines sont ici, mais visiblement des gens ne veulent pas de moi dans ce pays. Si je devais partir, ce serait un départ forcé, mais pour aller où ? Quel est l’objectif ? Vider la Calédonie ?"

    "Nous avons préparé nos sacs avec nos passeports"

    À Dumbéa, certains quartiers sont également encore cernés par les barrages qui incitent les riverains à rester retranchés chez eux. "Cela commence à être un peu plus calme, mais c’est encore tendu ici. Certaines nuits, nous avons mis nos baskets, préparé nos sacs avec les passeports et le disque dur avec les photos de famille. C’est dur de faire ça, mais il fallait être prêts au cas où, pour moins paniquer, raconte Myriam, qui a dormi tout habillée avec son compagnon. Au bout d’une semaine confinés chez nous, on se sent en mode survie. On aurait jamais cru être cloîtrés comme ça. Ça rappelle la Covid sauf que là, c’est bien plus inquiétant pour l’avenir. Et nous allons devoir préparer notre fils à voir tout ce qui a été détruit dehors."

    "Venez nous sauver s’il vous plaît !"

    Les dégâts sont également particulièrement importants sur la presqu’île de Ducos où les difficultés s’accumulent pour certaines familles "à bout de nerfs". "Je ne sors pas car je vis dans la peur tout le temps. Je ne dors plus et j’essaie de tenir le coup pour les enfants, mais à force, on est tous extrêmement tendus, confie, en larmes, cette mère de famille. Dans notre quartier, il y a beaucoup de personnes âgées qui se sentent également complètement abandonnées car elles ne peuvent pas avoir leurs soins. Si personne ne peut venir, que va-t-il se passer ? Tous les soirs, on espère voir les forces de l’ordre, on attend, mais elles n’arrivent jamais. Plus les jours passent, moins on y croit. On se sent vraiment seuls. Venez-nous sauver s’il vous plaît !"

    Dans ce secteur où chaque nuit "reste un cauchemar", les exactions ne sont pas sans conséquences sur les plus jeunes. "Les enfants nous demandent si on est en guerre, poursuit Anne-Lise. J’ai essayé d’expliquer, en faisant attention à mes mots, qu’il fallait s’attendre et se préparer au pire. Je crois qu’ils ont compris."

    Et comme si la situation n’était pas déjà assez anxiogène, les pénuries de nourriture qui se profilent dans ce foyer sont également une source grandissante de stress pour cette maman. "Presque tout a été brûlé chez nous. Je crains qu’il faille marcher loin pour se ravitailler dans un magasin sauf que ce n’est pas sûr dehors, estime cette Calédonienne, qui a décidé de "rationner" les vivres et ne préparer plus qu’un repas par jour.

    On partage avec les voisins, mais ça commence à manquer là. Je mange beaucoup moins que d’habitude pour privilégier les enfants. Je n’aurais jamais cru que le pays pourrait s’embraser aussi vite avant de sombrer à ce point. J’étais confiante sur le fait qu’on parviendrait tous à avancer. Aujourd’hui, on en est réduit à survivre."

    "Il faut arrêter de dire que la situation se calme"

    Au niveau national, comme du côté du haut-commissariat, les autorités annoncent un retour progressif à une situation plus calme après des premiers jours d’émeutes particulièrement violents. Un discours qu’il faut clairement nuancer selon les élus Loyalistes-Le Rassemblement, qui tenaient une conférence de presse, ce mardi matin ,pour demander, notamment le retour de l'ordre républicain dans tous ces quartiers "sous 48 heures".

    "Il faut arrêter de dire que, jour après jour, la situation se calme, lance la présidente de la province Sud, Sonia Backès. Il faut encore sauver des gens de quartiers où la population est totalement prise en otage et où certaines familles ne peuvent même pas se ravitailler. Dans ces secteurs, il y a encore des tirs et des incendies." 

    Signe que le dossier est pris très au sérieux, le président Emmanuel Macron se rendra sur le Caillou d'ici jeudi. 

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