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    Grand Nouméa
  • Aurélia Dumté | Crée le 03.07.2024 à 15h30 | Mis à jour le 03.07.2024 à 15h30
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    Après deux heures d’attente, les Mondoriens descendus à Nouméa rentrent chez eux. Certains transportent un tabouret, deux heures debout, c’est long. Photo Aurélia Dumté
    Ils sont 12 000 habitants à être coincés depuis le premier jour des émeutes dans leur quartier, dans le sud du Mont-Dore. Ceux qui doivent travailler à Nouméa prennent les navettes maritimes, avec des heures d’attente et pas la certitude de pouvoir rentrer. Une galère à laquelle les institutions, mairie et province en tête, tentent de trouver des solutions.

    Il est 16h30 et le Coral Palm démarre. C’est la dernière navette pour le sud du Mont-Dore. Sur le quai, à port Moselle, une quarantaine de personnes, cabas dans les bras, regardent le bateau partir, dépités. Ce soir, ils doivent trouver un plan B, ils ne rentreront pas chez eux.

    Voilà huit semaines que les violences ont éclatées en Nouvelle-Calédonie. Alors que dans de nombreux quartiers de Nouméa, le calme et la libre circulation sont revenus, d’autres zones restent très sensibles. C’est le cas du tronçon de la route provinciale 1 qui passe dans la tribu de Saint-Louis, au Mont-Dore. Barrages et agressions sont le lot quotidien sur cette route, empêchant les quelque 12 000 habitants du sud de la commune de se déplacer. "Nous avons été les premiers à être bloqués, on est les derniers à être bloqués", constate dans un sourire forcé Sandrine, habitante du Vallon-Dore, qui attend la navette maritime à port Moselle. Sandrine est une des 1 200 personnes qui empruntent les navettes maritimes quotidiennement. Une situation qui devient difficilement viable pour ces habitants. Certains se lèvent à 4 heures du matin pour monter dans le premier bateau, qui part à 6h30. "Je me suis levée à 4 heures hier, je suis arrivée au wharf à 4h30, et c’était déjà la queue", confirme Jacqueline, du Vallon-Dore.

    De nouvelles mesures pour fluidifier le trafic


    Le Coral Palm et ses 96 places effectue quatre rotations quotidiennes, et une quinzaine de semi-rigides, avec 12 places, tournent toute la journée. Malgré tout, ce n’est pas suffisant. Photo Aurélia Dumté

    Alors que les usagers sont désespérés face à cette situation, demandant à cor et à cri de "débloquer et sécuriser la route !" de "mettre davantage de navettes ! " la province Sud a annoncé ce matin de nouvelles dispositions qui entreront en vigueur demain, jeudi 4 juillet. À commencer par demander une attestation pour les personnes considérées comme prioritaires. Soit les travailleurs, les élèves et étudiants ou encore les personnes se déplaçant pour des raisons médicales. Les créneaux, de 6 heures à 7h30 et après 16 heures, leur seront entièrement réservés.

    Les autres rotations sont ouvertes à tous les usagers, mais ceux ne présentant pas d’attestation de priorité devront s’acquitter de 500 F par trajet. Une mesure qui permettra de trier les passagers. "Ça va en freiner plus d’un," se réjouit Marie-Claude, du Vallon-Dore. "Il y avait de l’abus", renchérit Sandrine, qui précise tout de même : "ça n’arrangera rien, il faut libérer la route ou mettre de nouvelles navettes." Endy, du Vallon-Dore, est descendu ce matin pour récupérer sa carte de crédit à Nouméa. "Si j’étais descendu demain, j’aurais dû payer. Mais ça ne me pose pas de problème. Je pense que cela ne va pas changer grand-chose, il y a déjà une priorisation naturelle qui se fait, les personnes qui travaillent, qui ont besoin de soin…"

    Peut-être 130 places supplémentaires la semaine prochaine


    Beaucoup de monde en attente d’une place à bord du Coral Palm. Le Mary D pourrait s’ajouter aux bateaux affrétés dès lundi, ce qui offrirait 132 places supplémentaires. Photo Aurélia Dumté

    Même si la plupart des riverains du sud du Mont-Dore sont heureux de la réactivité de la province Sud pour mettre en place les navettes maritimes, la lassitude a pris le relais. La liste de doléances est longue. Installer des tivolis, des bancs, des tickets pour la file d’attente, mieux gérer la file d’attente à port Moselle, proposer des navettes terrestres à Nouméa… À chaque interlocuteur, une problématique.

    Tous s’accordent toutefois sur la nécessité de sécuriser la route, ou ajouter des bateaux, d’autant plus que le bateau militaire est en panne depuis quelques jours. Ça tombe bien, la province Sud a bien l’intention de remédier à cette question. "Ce n’est pas de la compétence de la province Sud, mais du gouvernement, mais comme ça dure depuis très longtemps, nous avons mobilisé tous les bateaux disponibles, explique Sonia Backès, présidente de la province Sud. Cela nous coûte quatre millions de francs par jour. Nous effectuons les derniers calages techniques au wharf du Vallon-Dore pour accueillir le Mary D, ça se présente bien, et donc, dès le début de la semaine prochaine, si besoin et si les dernières vérifications sont bonnes, on ajoutera deux rotations quotidiennes du Mary D, avec ses 132 places à bord. Cela va nous coûter 900 000 francs en plus par jour." Une nouvelle qui ravira les usagers des navettes. "Si le Mary D se met en place, Whouah ! Joli ça !, sourit Endy, c’est exactement ce que l’on attendait !"

    Un ras-le-bol général


    Les habitants du Mont-Dore sud sont exténués, "à bout". Photo Aurélia Dumté

    L’arrivée de ce nouveau bateau ne règlera pas tous les problèmes. "On est à bout", pose Vanessa, maman de quatre enfants, et employée à Nouméa. Avec la réouverture de certains établissements scolaires, d’autres questions se posent : comment récupérer les enfants à l’heure ? "On s’organise entre parents, entre les horaires des écoles, des garderies, des navettes…" raconte Zoé, qui expose une autre problématique : celle du transport une fois arrivée à Nouméa. "J’ai dû marcher de port Moselle jusqu’à Magenta Aérodrome pour aller à mon rendez-vous médical." Prendre le taxi ? "Entre faire des courses et payer un taxi, parfois, on doit choisir," lance cette maman.

    Et du côté de la RP1, si la route est régulièrement déblayée par les forces de l’ordre, les Mondoriens peinent à comprendre le fonctionnement des militaires. "Ils nous laissent passer au rond-point de La Coulée, puis nous bloquent à Thabor, on se retrouve pris en otage !, explique Éric, de Plum, qui n’a pas pu voter dimanche dernier en raison des blocages. J’ai fait la route pendant six semaines, et c’est dangereux." Jacqueline confirme : "Il y a des bandits qui s’en prennent aux gens, qui font des car-jackings, peu importe leur ethnie. Les gens de la tribu sont eux aussi pris en otage." Pour toutes ces raisons, les habitants ne comptent pas reprendre de sitôt ce tronçon de la RP1.

    La province Sud se veut rassurante sur cette question : "on maintiendra les navettes tant que ce sera nécessaire, et c’est ce qui est souhaité par les Mondoriens, affirme Sonia Backès. Nous sommes souples, le format sera adapté en fonction des nécessités."

    La mairie du Mont-Dore sur le pont


    Tous les matins, la file d’attente pour embarquer dans les navettes maritimes du Vallon-Dore en direction de Nouméa s’étire sur plusieurs dizaines de mètres.

    La liste des doléances des Mondoriens du sud est longue. Ça va de proposer des toilettes au wharf du Vallon-Dore à acheter une bouteille de gaz. La mairie, qui a affecté une dizaine d’agents quotidiennement à la gestion des navettes, tente de répondre au mieux aux demandes. "Du personnel municipal est au wharf du Vallon-Dore afin de réguler les passagers prioritaires, aider à l’embarquement, ils sont près de 1 200 personnes chaque jour, ils ne peuvent pas être livrés à eux-mêmes", commence Olivier Berthelot, adjoint au maire du Mont-Dore. Marie-Hélène, habitante de La Corniche, souhaiterait des toilettes, des tivolis, des bancs, "il n’y a rien pour s’asseoir !" souffle-t-elle. "Depuis quelques jours, les blocs sanitaires de la Salle des communautés sont ouverts tous les jours, répond Olivier Berthelot. Nous allons mettre des chaises pour les personnes qui en ont besoin. Mais nous ne pouvons pas mettre des centaines de chaises… Et quatre chaises pour 250 personnes, ça ne suffit pas. Les équipements ne sont pas prévus pour ça, constate avec tristesse l’élu municipal. Nous essayons d’accompagner au mieux."

    La mairie lance cette semaine un chantier pour améliorer le wharf, afin d’accueillir dans les meilleures conditions les petits bateaux de 12 places. "Ces travaux sont pris en charge par la mairie", qui avait lancé, avant le 13 mai, des études pour un aménagement d’une "grande darse. Nous maintenons ces études et ce projet, qui nous permettra d’accueillir de plus grosses unités, mais c’est à l’horizon de plusieurs années, et il faudra revoir nos budgets."

    La question du ravitaillement

    De nombreux Mondoriens se plaignent également du ravitaillement. "Ils ont livré 350 bouteilles de gaz, il y avait plus de gens qui attendaient !" constate, dépitée Jacqueline, du Vallon-Dore. C’est sans compter la hausse des prix constatée par les habitants dans les commerces du sud du Mont-Dore. Les voilà à faire leurs courses à Nouméa, à attendre la navette durant des heures avec leurs sacs cabas. "La question de l’alimentation de la population et des animaux d’élevage s’est posée rapidement, souligne Olivier Berthelot. Il y a trois semaines, nous avons réalisé un aménagement complémentaire sur le wharf pour accueillir des plus grandes barges. Au début, la Nouvelle-Calédonie prenait le transport à 100 %, puis les commerçants ont dû participer au coût du fret, ce qui a probablement provoqué une hausse des prix dans les commerces. Maintenant, le gouvernement a cessé le cofinancement. Depuis dix jours, le fret est à la charge de la mairie. Une barge coûte environ un million de francs, il y en a trois par semaine. Quant aux pétroliers, pour l’essence et le gaz, ils refusent de prendre en charge le coût du fret", détaille l’élu. Pour le gaz, "nous rencontrons de grosses difficultés. 700 bouteilles ont été livrées. Nous insistons tous les jours en cellule de crise mais c’est le gouvernement qui définit les quotas. C’est très difficile pour tout le monde, et pour nos administrés, c’est la double peine." Évidemment, livrer du gaz par voie terrestre est absolument inenvisageable. "La route n’est pas du tout débloquée, des interventions sont en cours, mais il y a beaucoup de car-jackings", déclare Olivier Berthelot, qui demande "aux gens de ne pas emprunter ce tronçon."

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