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    Grand Nouméa
  •  Shahzad Abdul / AFP avec LNC | Crée le 24.09.2024 à 12h33 | Mis à jour le 24.09.2024 à 12h34
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    Les habitants de Saint-Louis sont contraints de marcher plusieurs kilomètres pour faire des courses. Photo : AFP / Sébastien Bozon
    Depuis deux mois, les habitants de la tribu de Saint-Louis, qui n’est plus accessible qu’à pied, estiment vivre dans une "prison à ciel ouvert". Pour faire des courses, se rendre au travail ou aller à l’école… Tout déplacement devient une expédition pour laquelle il faut passer les contrôles de sécurité des gendarmes. Reportage.

    Les bras de Kenji Dawano tremblent d’épuisement, mais il ne peut pas lâcher le sac de riz en équilibre sur sa tête. Il a encore de la marche avant d’atteindre la tribu, que les forces de l’ordre ont cerné de barrages.

    "Ils veulent nous pourrir la vie !", peste le jeune Kanak, une fois passé un premier "check-point" tenu par des gendarmes, contrôlant sous un chapiteau de fortune les papiers d’identité ainsi que tout ce qui entre et sort de la tribu de Saint-Louis, qui n’est plus accessible qu’à pied.

    Depuis plus de deux mois, les autorités ont coupé la RP1, en raison de l’insécurité sur le tronçon qui longe la tribu, où deux hommes recherchés ont été tués la semaine dernière par les forces de l’ordre, ce qui porte à 13 le nombre de victimes des exactions qui secouent le Caillou depuis mai.

    Saint-Louis s’est retrouvée isolée. Ses habitants contraints à la débrouille, en transportant leurs courses dans des brouettes ou des caddies sur la route parsemée de quelques banderoles anticolonialistes. Aller au travail ou à l’école s’est mué en expédition sur une bande d’arrêt d’urgence.

    "Sous blocus"

    "C’est galère. On est contrôlés tout le temps. Même les sacs des enfants, ils les fouillent (pour éviter que des armes n’entrent, NDLR). On en a marre", résume Kenji Dawano, au bord des larmes, devant un nouveau barrage 100 mètres plus loin.

    Désormais, des blindés barrent la route, où ont été entassés des sacs de sable marron, pour s’isoler des tirs – souvent à l’arme de chasse – provenant de la zone boisée : plus de 300 ont visé les gendarmes depuis juillet, assure sur place le colonel de gendarmerie Pierre Jaillargeat.

    Le terre-plein central menant à la tribu, à 200 mètres en s’enfonçant à travers la végétation, est maculé de grenades de désencerclement usées, stigmates des affrontements qui émaillent cette route, "lieu le plus dangereux de Nouvelle-Calédonie", affirme-t-il.

    Les violences sont le fait d’une "bande armée au sein de la tribu", qui a multiplié ces dernières semaines les exactions et les "carjacking", ce qui "nous a contraints à fermer cette route (pour) ne pas mettre en danger les automobilistes", insiste le gradé.

    Pour les quelque 1 200 âmes qui vivent de Saint-Louis et qui ont publié lundi un communiqué signé au nom du collectif de défense des intérêts des habitants de la tribu, les autorités ont plutôt érigé "un mur de Berlin" aux relents "coloniaux".

    "Nos terres sont mises sous blocus, notre population affamée et notre jeunesse exécutée", dénoncent-ils, à la veille de ce mardi 24 septembre sous haute surveillance où 6 000 policiers, gendarmes et militaires ont été déployés dans tout le pays.

    "Plus personne n’écoute les chefs"

    Saint-Louis "est une prison à ciel ouvert", juge pour sa part Lucile (qui a refusé de donner son patronyme), une grand-mère de 68 ans en "colère" après une marche de sept kilomètres.

    "On parle des jeunes, mais ça nous pénalise nous aussi. Les jeunes (qui se sont soulevés depuis mai) ont répondu à un appel politique, c’est la politique qui doit régler cette situation", s’agace cette dame, cheveux courts et fines lunettes, qui fait une halte devant un cabanon au toit de tôle tagué de slogans indépendantistes et hostiles au gouvernement.

    Les autorités assurent que ces barrages seront levés une fois obtenue la reddition ou l’interpellation d’une trentaine de jeunes "délinquants" jugés ultra-radicaux et "très déterminés".

    "On a parlé aux jeunes, mais ils ne veulent pas écouter, plus personne n’écoute les chefs", alors "on laisse faire" les autorités, s’est résigné un autre ancien de la tribu, Jacob Noraro, 76 ans, de retour de courses avec du pain et des plantes médicinales.

    Pour éviter à sa famille de subir les conditions de vie actuelles à Saint-Louis, le retraité en chemise à fleurs a conseillé à ses enfants de vivre "en dehors du barrage" pour quelque temps encore.

    En attendant que la route soit de nouveau accessible, "on continue à marcher", lâche Lucile. Avant de s’enfoncer à travers la forêt.

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