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    Grand Nouméa
  • Anthony Tejero | Crée le 01.06.2024 à 10h54 | Mis à jour le 01.06.2024 à 14h27
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    Ces habitants du quartier doivent désormais marcher très longtemps pour faire leurs courses. Photo Anthony Tejero
    Alors que les forces de l’ordre commencent à peine à reprendre la main sur Rivière-Salée, dernier quartier de Nouméa encore contrôlé par des émeutiers, certains riverains ne cachent ni leur colère, ni leur fatigue après dix-neuf jours à vivre dans le "bordel", si ce n’est la "peur". Pour autant, d’autres habitants soutiennent la colère de ces jeunes, "loin d’être tous des délinquants". Reportage.

    "Ça devient trop dur de vivre ici". À 64 ans, Kenift est "fatigué" de ne plus dormir la nuit, "fatigué" de devoir marcher au moins 45 minutes pour aller faire quelques courses, "fatigué" de tout le "bordel", qui s’est emparé de son quartier depuis plus de deux semaines. En ce vendredi matin, si le calme semble de retour, notamment sur les nombreux barrages à devoir traverser pour se rendre au cœur de Rivière-Salée, l’ambiance, elle, reste pesante.

    Dans ce secteur aux mains des émeutiers où bon nombre d’habitants ressentent un profond sentiment d’abandon de l’État, l’ensemble des enseignes de la zone commerciale, inaccessible en voiture, ont été pillées et détruites. Sans même parler des nombreuses voitures brûlées qui jonchent certaines rues et celles "volées" qui roulent notamment la nuit.

    "Dans cette situation, pourquoi rester ?"

    "Le soir, c’est encore agité ici. Tout le monde descend des cités. Ça commence à être difficile pour nous", poursuit Kenift, jeune retraité, qui ne reconnaît plus le quartier où il vit depuis 35 ans et qui s’apprête à prendre une décision radicale. "Il y avait vraiment une bonne ambiance ici entre les habitants. Mais là, ce n’est plus comme avant. Si les enfants n’ont plus de travail, je crois qu’on va tous retourner vivre sur Lifou. À Nouméa, c’est plus facile pour les soins et l’accompagnement, mais dans cette situation, pourquoi rester ?"


    Vendredi matin, les barrages et véhicules brûlés étaient encore nombreux dans le quartier. Photo Anthony Tejero

    Quelques encablures plus loin, Marie surveille avec sa belle fille, les enfants qui jouent dehors, devant l’entrée de leur logement. Cette famille, elle, vit plutôt bien cette situation. "Ça nous peine de ne plus avoir de commerces, mais on comprend cette colère des jeunes qui s’exprime. On n’a pas trop à se plaindre. Avec nous ça se passe bien, on arrive à discuter avec eux", explique cette maman originaire de Boulouparis, qui regrette néanmoins de voir la population à ce point divisée. "Ici, il y a une vraie peur des milices qui s’est installée. Quand on regarde la télé, ça nous fait mal d’entendre qu’en tant que Kanak, on est des racistes et des terroristes. C’est complètement faux. Aujourd’hui dans ce pays, on est tous métisses. Je souhaite un retour au calme, mais il faut d’abord arrêter de vouloir toucher au corps électoral."

    "On vit dans deux pays différents dans la même ville"

    Son fils et sa belle-fille regrettent d’ailleurs que l’ensemble des militants soient associés à des émeutiers. "Tous ces jeunes ne sont pas des délinquants. Il y en a qui sont étudiants, d’autres diplômés. Mais le problème, c’est qu’il y a encore des discriminations à l’embauche à cause de l’apparence physique", assurent Coralie et Elron, qui ne supportent plus les inégalités, particulièrement criantes en ville. "Dans tous les quartiers Nord, qui sont populaires et mélangés, il n’y a plus rien. Notre réalité aujourd’hui, c’est qu’on n’arrive même plus à trouver du riz pour se nourrir. Par contre, à quelques kilomètres, dans les quartiers Sud, la vie est complètement normale, les gens continuent leurs loisirs, etc. C’est comme si on vivait dans deux pays différents dans la même ville. Cette crise, c’est peut-être un mal pour un bien si on veut avancer."


    Malgré les événements des derniers jours, ces enfants n’ont pas perdu ni leur sourire, ni leur insouciance. Photo Anthony Tejero

    Une vision loin d’être partagée par ces deux familles de "Calédoniens pure souche", qui confient être à bout après dix-neuf jours à rester enfermés chez eux. "On n’est jamais sortis car c’est trop dangereux", confie cette dame, qui "vit dans la peur". Son voisin, lui, au discours plus menaçant, est surtout animé par une colère froide, visiblement prêt à en découdre si la situation n’évolue pas. "Il n’y a aucune intervention ni de la police, ni des gendarmes depuis le début des émeutes ici. Tout le monde nous a lâchés, abandonnés, à commencer par l’ensemble de nos politicards, tous bords confondus, qui sont réfugiés dans les quartiers Sud."

    "Enfin ! C’est la première fois qu’on les voit"

    Une ambiance électrique, rompue à quelques dizaines de mètre de là, par l’arrivée surprise et inespérée d’u vaste cortège de VBRG, de fourgons de gendarmerie et de police qui arrivent en trombe dans le quartier. Direction le cœur de Rivière-Salée, encore contrôlé par les émeutiers. Une scène qui redonne le sourire à ces riverains. "Enfin ! C’est la première fois qu’on les voit ! On est soulagés. Du moins s’ils ne restent pas que cinq minutes…".

    Et ce n’était clairement pas l’objectif de cette intervention durant laquelle près de 400 forces de l’ordre ont été mobilisées pour quadriller la zone. Une intervention musclée qualifiée de "succès" par les autorités, qui ont annoncé, vendredi soir, que Rivière-Salée "était le dernier secteur de la ville dans lequel il était compliqué pour les forces de l’ordre de rentrer" mais que "désormais, il n’y a plus de zone de non-droit dans Nouméa".

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