- Par Anthony Tejero avec Jean-Alexis Gallien-Lamarche et Sophie Mendès | Crée le 06.12.2018 à 04h25 | Mis à jour le 06.12.2018 à 06h51ImprimerUn peu partout dans le pays, les habitants ont dû évacuer le littoral et attendre jusqu’à trois heures, réfugiés sur les hauteurs. Photos Thierry Perron et DRUn puissant séisme d’une magnitude de 7,6 s’est produit, hier après-midi, au large de Maré. Dans la foulée, l’alerte tsunami a été déclenchée sur l’ensemble du pays avant d’être rapidement levée sur la côte Ouest. Partout ailleurs, la population a dû se réfugier sur les hauteurs pendant près de trois heures. Après l’angoisse, place à l’attente.
15 heures 18.
Un puissant séisme de magnitude 7,6 se produit au large des îles Loyauté. La secousse, dont l’épicentre se situe à 30 km de profondeur et à 160 km au large de Maré, est puissante. Et se fait sentir jusqu’à Nouméa. Avant-même le déclenchement des sirènes dans certaines communes, l’inquiétude commence à gagner bon nombre d’habitants, notamment sur les îles particulièrement exposées au risque de tsunami.
A l’image d’Eugénie, en déplacement à Lifou : « J’étais dans mon bungalow quand j’ai ressenti une grosse secousse. Cela a beaucoup vibré, les rideaux bougeaient, j'avais une sensation de vertige, de perte d'équilibre, quelque chose de bizarre. On est venu toquer à la porte et on nous a rassemblés au milieu de l'hôtel qui a ensuite été évacué. C'était très professionnel. » Ce n’est qu’après, à 15 h 29, que les sirènes retentissent. « Nous avons alors pris des voitures et nous sommes montés sur un point en hauteur, vers Djozip, poursuit Eugénie. Nous discutions de ce qui s’est passé, nous rassurions les enfants. Les gens étaient dans l'attente mais il n'y avait pas d’ambiance anxiogène. »
Au contraire de Maré, l’île la plus proche de l’épicentre, déjà frappée de plein fouet par un puissant séisme l’an dernier (lire par ailleurs), où la peur est palpable : « J'étais à la banque quand la terre a tremblé. On est tous sortis, paniqués. Il y a eu des coupures de courant, les magasins ont fermé, raconte Léa, professeur d’anglais.
On est tous sortis, paniqués. Il y a eu des coupures de courant, les magasins ont fermé
On est venu se réfugier sur les hauteurs de Tadine en attendant la prochaine consigne. » « On a eu peur, surenchérit une équipe d'ouvriers de Nengone. Quand c'est pas bon, c'est pas bon ! On est tous sortis du bâtiment, d'autres travaillaient sur la toiture. C'était beaucoup plus fort et plus long que la dernière fois. Impressionnant ! »
L’île des Pins n’est pas non plus épargnée. « Ça a beaucoup beaucoup bougé, Les armoires vibraient fort, des objets sont tombés au sol. L'engin! J'avais jamais ressenti un truc pareil, lâche Yannick Vakié, chef des pompiers de l’aérodrome qui a été évacué dès la deuxième secousse. La première évacuation d’une longue série : puisque l’ensemble des plages et du littoral de Kunié sont alors sous la menace d’un tsunami. « Il y avait du monde dans l'eau. Entre les touristes, le départ du Betico, les enfants car on est mercredi… Puis tous les hôtels aussi ont été évacués. »
Une vague de deux mètres au Méridien
Hier soir, en raison de la dégradation des conditions météo et au vu des dégâts provoqués par les premières vagues, l’inquiétude n’était pas dissipée pour les secours : « Le temps commence à se gâter. Il y a eu une vague de plus de deux mètres au Méridien. L'eau est montée jusqu'au faré qui est à côté de la piscine. La mer commence un peu à s'agiter… »
Sur la Grande Terre, l’alerte tsunami est également déclenchée, notamment sur la côte Est, où les tribus de bord de mer sont sommées de se réfugier sur les hauteurs. « Je suis montée au col de Parawié, je me suis assise sur une natte en regardant la mer. On attend, mais pour l’instant, c’est calme, explique Lysa, qui travaillait au dispensaire de Houäilou lorsque les sirènes ont retenti. C’était très agressif ! On ne l’entend jamais en dehors du premier mercredi matin de chaque mois. Donc là, le hasard a fait que c’était la deuxième fois de la journée… On est tous partis en appelant nos familles. C’était un peu la panique au début car tout le monde courait dans tous les sens pour n’oublier personne. Mais maintenant qu’on s’est regroupés, on se sent rassurés. On voit les différents groupes réfugiés sur les hauteurs des environs et on en rigole. Par contre, on voit encore des voitures circuler. Il y a beaucoup de gens qui se fichent des consignes ici car ils n’ont jamais vu de tsunami. » Dans le Grand Nouméa et sur la côte Ouest, traditionnellement moins exposée au risque, l’alerte est finalement levée une heure à peine après le séisme. Pour autant, alors que les baies sont bondées de baigneurs, la police reçoit l’ordre d’évacuer certaines plages… avec les moyens du bord. Plutôt limités. Ici, la voix des forces de l’ordre remplace les sirènes. Un procédé qui laisse Joan pour le moins dubitatif. Le jeune homme quitte la plage, son kitesurf en main. « J’étais à l’eau avec d’autres riders. Quand j’ai vu les policiers rassemblés au bord de la plage et qui criaient quelque chose. Interpellé, je me suis rapproché et j’ai directement compris, raconte ce trentenaire. C’est une première pour moi. Cela ne me fait ni chaud ni froid car je pense que tant qu’on n’a pas vécu de tsunami, on ne peut pas se rendre compte. Mais je ne comprends pas comment il peut ne pas y avoir d’alarmes sur les plages d’une aussi grande ville. Ou du moins des fumigènes pour alerter ceux qui pratiquent les activités nautiques. Sur l’îlot Maître par exemple, on voit que les kitesurfeurs n’ont pas été évacués. »
Une véritable course contre la montre
Par Jean-Frédéric Gallo
Le centre opérationnel de la Sécurité civile a été en charge de suivre l’évolution du tsunami, mais également de coordonner les actions sur les zones à risque. Photo Thierry Perron
Avant les sirènes et l’angoisse pour certains habitants des îles et de la côte Est, il a fallu prendre des décisions. Et c’est du côté de la Sécurité civile qu’ont été enclenchées les différentes procédures. Extrêmement rapides. Eric Backès, à la tête de ce service de la Nouvelle-Calédonie, l’explique : « Un séisme s’est déclenché à 15 h 12 à 150 km de Maré, à une profondeur de 10 km 7,6, c’est 0,4 point au-dessus de notre seuil d’alerte réflexe. Dans cette zone, à partir de 7,2 nous sommes tenus de faire un déclenchement d’évacuation. »
A 15 h 23, la Sécurité civile obtenait le premier message de confirmation de l’IRD. A peine trois minutes plus tard, c’était le PTWC (Centre d’alerte tsunami dans le Pacifique) de Hawaï qui confirmait l’information, « sans plus de précision, mais également d’un risque tsunami dans un rayon de 100 km. » Il s’agit là d’un message automatique et la situation n’a pas été précisément analysée. Une fois de plus, le principe de précaution est roi.
A 15 h 29, soit 17 minutes après le déclenchement du séisme, les sirènes hurlent dans les communes. L’alerte est donnée. « Cela veut dire qu’il s’agit de quitter le cordon littoral, de s’éloigner de la mer, indique Eric Backès. Il fallait accéder à une zone à 300 mètres de la mer, ou accéder à un point de refuge qui a été désigné par la commune. »
A 15 h 53, le service calédonien recevait le fichier KMZ du PTWC. « Il s’agit d’une représentation cartographique du risque tsunami en fonction de la zone. Il n’y a qu’à partir de cette heure-là que nous pouvions déterminer les différentes zones d’évacuation. » A 16 h 15, Nouméa et la côte Ouest ne sont officiellement plus menacées.
Alerte lancée 45 minutes avant l’arrivée des vagues
En une heure, la pression est montée d’un coup et les premiers effets du phénomène se font sentir. Sur l’île des Pins sont observés, aux alentours de 16 h 15, un retrait d’un mètre de l’eau en baie de Kuto et des trains de vagues en baie d’Oro, notamment au niveau de l’hôtel Méridien qui a déjà été évacué. Une vague de 2 mètres, provoquant des dégâts mineurs, sera déplorée peu avant 17 heures. A Yaté et à Lifou, des variations de 50 cm à 1 mètre sont observées. Sur Maré, près de 90 cm d’amplitude d’eau sont constatés par les scientifiques. De quoi causer de sérieux dégâts.
Au final, dans cette course contre la montre, l’alerte sur les zones à risque aura été donnée 45 minutes avant l’arrivée des vagues.
Un bilan positif, surtout lorsqu’on sait qu’un tel phénomène peut atteindre la vitesse de 800 km/h pour rejoindre des côtes.
Hier soir, après la levée de l’alerte, à 18 h 20, il était temps de faire un bilan pour évaluer les dégâts qu’a causés ce phénomène dû à un puissant séisme.
Le point de vue de Pierre Lebellegard, Sismologue
Quelle est la cause de ce séisme ?
C’est un phénomène classique à cet endroit puisqu’il s’est produit dans une zone à la frontière de deux plaques.
En novembre 2017, un fort épisode sismique avait déjà frappé la Calédonie.
Ce qui est inhabituel, en effet, c’est qu’un séisme de la même magnitude - forte puisqu’elle est de 7,6 - se répète au même endroit et de manière aussi rapprochée dans le temps. Statistiquement, cet épisode se produit tous les dix ans, ce qui montre à quel point ces phénomènes sont imprévisibles.
Faut-il s’en inquiéter ?
Non, dans la mesure où l’on suit les consignes de sécurité. Mais il faut s’attendre à de nombreuses répliques. L’an dernier, plus de mille répliques ont été enregistrées après le séisme majeur. [Hier] (à 18 heures), on a déjà connu une dizaine de répliques notables, c’est-à-dire d’une magnitude supérieure à 5. Mais un séisme de magnitude 5 est 900 fois plus faible qu’un séisme de magnitude 7. Statistiquement, sur la ligne du nord du Vanuatu au sud-est de Maré, il se produit deux séismes d’une magnitude supérieure à 7 par an.
Dans quelle mesure l’alerte tsunami est-elle déclenchée ?
C’est une combinaison qui dépend de la force et de la profondeur du séisme. Lorsqu’il est superficiel, entre 0 et 70 km de profondeur et d’une magnitude supérieure à 7, on considère par exemple qu’il y a un risque tsunami.
64.
C’est le nombre de sirènes, réparties sur la côte Est, les îles Loyauté et l’île des Pins, qui ont été déclenchées depuis le centre opérationnel de la Sécurité civile de Nouméa.
Chez nos voisins
Au Vanuatu, situé à 418 kilomètres de l’épicentre, l’île de Tanna est la plus vulnérable, cependant aucune évacuation n’a été ordonnée.
« A Mebuet, on n’a pas de chemin d’évacuation accessible en voiture. C’est la seule tribu qui n’a pas d’accès en cas d’alerte tsunami. »
Dick, habitant de Maré.
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