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    Nouvelle Calédonie
  • Anthony Tejero | Crée le 21.09.2024 à 11h00 | Mis à jour le 21.09.2024 à 13h55
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    Une densité moyenne supérieure à 100 spécimens par kilomètre carré a été observée dans la Chaîne. Photo : Archives LNC / Olivier Poisson
    La Nouvelle-Calédonie a reçu le prix du "combattant de l’année" pour son travail de lutte contre les espèces envahissantes et plus particulièrement contre les cerfs qui font des ravages sur les forêts et sur la ressource en eau. Contre ces animaux, des méthodes innovantes ont été mises en place depuis 2022, dont une évaluation par drone des populations dans la Chaîne. Des dispositifs prometteurs impulsés par l’Agence néo-calédonienne de la biodiversité dont la survie est en jeu depuis la crise, faute de financements.

    Si la bataille est encore loin d’être gagnée sur le terrain, les années d’effort à traquer sans relâche les espèces nuisibles ont permis au Caillou de décrocher le prix 2024 du "combattant de l’année contre les espèces exotiques envahissantes dans le Pacifique" ("Battler of the year"). Une distinction officiellement remise à l’agence néo-calédonienne de la biodiversité (ANCB), lors de la 6ème conférence régionale du PROE (Programme régional océanien de l’environnement) qui s’est tenue aux îles Cook, le mois dernier, autour de ces menaces sur la biodiversité des territoires insulaires de la région.

    Une reconnaissance du travail de longue haleine que mènent les équipes de l’ANCB (anciennement Conservatoire des espaces naturels) contre ces espèces envahissantes et plus particulièrement contre les cerfs, pour lesquels des méthodes innovantes ont été mises en place dans le pays depuis 2022.

    "Des populations hors de contrôle"

    C’est notamment le cas d’une mission par drone qui visait à évaluer les populations de cerfs dans la chaîne dans trois sites pilotes à Thio, Houaïlou et Hienghène. Et les premiers résultats sont impressionnants. "Nous avons relevé des densités très importantes que l’on suspectait mais que l’on a enfin pu vérifier", explique Patrick Barrière, le coordinateur du pôle espèces envahissantes à l’ANCB, qui planche actuellement sur ces données, dont la synthèse complète devrait être rendue d’ici la fin de l’année.

    Pour autant, les premiers chiffres qui en ressortent sont parlants : en 97 missions (soit 118 heures de vol) sur une zone recouvrant près de 5 000 hectares, plus de 2 000 cerfs ont été détectés avec une densité moyenne supérieure à 100 spécimens par kilomètre carré. Dans un secteur de Houaïlou, jusqu’à 206 cerfs par km2 ont même été recensés (à titre de comparaison la densité de la population dans le pays est en moyenne de 15 habitants par km2). "Ce sont des concentrations conséquentes de populations qui sont hors de contrôle et situées dans des zones isolées, analyse Patrick Barrière. Cela se traduit par des impacts très forts sur la ressource en eau et sur la forêt."

    Les forêts humides en péril

    Pour mémoire, les cervidés mettent à mal les sous-bois et empêchent la régénération des arbres, en particulier dans les forêts humides, qui sont de hauts lieux de la biodiversité. Et ce, pour une raison très simple : ces animaux mangent ou détruisent toutes les jeunes plantules, notamment celles de kaoris, de fougères royales ou arborescentes, qui ne parviennent ainsi plus à pousser. Sans oublier les conséquences sur la faune, scinques et geckos en tête, qui voit peu à peu ses habitats disparaître.

    Par ailleurs, plus les cerfs dépouillent les forêts de leurs sous-bois, plus l’eau de pluie ruisselle sans avoir le temps de s’infiltrer et de recharger les nappes phréatiques. Ce phénomène accroît l’érosion des sols et augmente ainsi les apports terrigènes qui se déversent dans les creeks et les captages ainsi que dans le lagon.


    Près de 900 cerfs ont été tués par les opérateurs professionnels de régulation dans les coins reculés de la Chaîne à Thio, Houaïlou et Hienghène. Photo Protege

    C’est pourquoi l’ANCB a lancé, en parallèle de ces reconnaissances par drone, le déploiement d’une trentaine d’agents de régulation professionnelle, qui agissent en binôme et dont le travail est de traquer, plusieurs jours durant, ces nuisibles dans les forêts les plus inaccessibles de la chaîne. Parmi leurs techniques utilisées, l’utilisation d’une caméra thermique pour repérer facilement et discrètement les animaux, notamment la nuit, sans les éclairer avec une torche. Une expérimentation qui porte ses fruits puisque près de 900 cerfs (essentiellement des faons et des femelles) et cochons sauvages ont été abattus depuis le lancement de ce dispositif.

    À VOIR ÉGALEMENT :

    L’agence néo-calédonienne de la biodiversité disparaîtra-t-elle faute de financements ?

    L’ANCB, comme l’ensemble des organismes qui dépendent de subventions publiques, est frappée de plein fouet par la crise liée aux émeutes. Et ce, à bien des égards. Déjà, les agents ne peuvent plus mener de lutte contre les espèces nuisibles par l’usage d’armes à feu (dans le cadre des mesures administratives prises par le haut commissariat). Une lutte qui concerne la régulation des cerfs, mais aussi celle des lapins et des bulbuls à ventre rouge. De quoi, à moyen terme, compromettre l’efficacité des opérations menées depuis de nombreuses années sur ces fronts.

    Mais le plus inquiétant concerne le volet financier puisque depuis le 13 mai, le budget de l’agence a déjà été réduit de moitié rien que pour cette année, soit 55 millions de versés sur une enveloppe initiale de 108 millions de francs.

    "Notre survie court jusqu’à juin 2025"

    Malgré le départ de six agents, les équipes de l’ANCB ont été contraintes de travailler à temps partiel depuis ce mois de septembre. Mais jusqu’à quand ? "Nous n’avons pas de visibilité et notre survie court actuellement jusqu’à juin 2025, alerte Patrick Barrière, qui précise que l’agence est engagée dans une démarche de "recherche active" de financements à l’échelle régionale et nationale. La situation n’a jamais été aussi difficile. Par rapport à l’économie, on peut imaginer que nos actions ne figureront pas parmi les priorités. Mais la défense de l’environnement n’attend pas. C’est une action obligatoire, qui risque, si on l’arrête, d’avoir des impacts quasiment impossibles à gérer demain dans le pays."

    Signaler une espèce envahissante

    Pour rappel, pour tout signalement d'espèces envahissantes ou suspectes, une cellule de veille est joignable au 75 30 69 et sur Facebook

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