L’Observatoire de l’environnement, Oeil, créé il y a 15 ans, permet un suivi de l’industrie minière, des incendies, des récifs, des cours d’eau, de la sécheresse… Autant de données cruciales pour une vision globale de l’état de la biodiversité calédonienne. Mais la crise que traverse le pays depuis le 13 mai a raison de l’association. L’Oeil entre donc en sommeil, et ce a minima jusqu’à la fin du mois de novembre.

Les salariés sont au chômage partiel depuis le 1^er septembre. Sur les 11 membres de l’équipe en temps normal, cinq quittent l’organisme d’ici la fin de l’année. "À cela s’ajoutent les stagiaires que nous accueillions habituellement (15 par an), et qui ne trouveront pas d’accueil à l’Oeil cette année. C’est une perte pour la jeunesse calédonienne qui trouvait dans cette structure la possibilité de valider leurs diplômes et d’apprendre les métiers de la surveillance environnementale", précise l’organisme. "Les salariés de l’Oeil possèdent des compétences très spécifiques, complète le directeur, Fabien Albouy. C’est un savoir-faire qui risque de se perdre, et qui sera très difficile à retrouver."

Les projets mis en pause

Outre le personnel, ce sont les projets menés par l’association qui s’arrêtent. "Suivi incendies, indicateur sécheresse, inventaires de biodiversité de la côte Oubliée, bilan Grand Sud, bilan Thio, Acropora 2024, stratégie de suivi des écosystèmes marins, évolution des surfaces forestières, outils d’aide à la gestion de la ressource en eau…, et suspension de l’animation des services numériques", liste l’association dans un communiqué publié ce jour. "Cette mise en sommeil nous permet de nous donner un peu de temps. Ce qui est inquiétant, c’est que tous nos outils mis en place, qui sont très opérationnels, ne soient pas repris et que les données soient perdues", s’inquiète le directeur. L’Oeil précise que les "services numériques vont rester encore en ligne quelques semaines mais les informations qu’ils contiennent ne seront plus mises à jour, à l’exception des détections incendies qui sont automatisées."

10 millions de budget contre les 110 millions habituellement

"Nous ne bénéficions pas des systèmes de solidarité mis en place par l’État, il n’y a pas de leviers pour une structure comme la nôtre, pour autant, nous réalisons des missions de service public", souligne Fabien Albouy. L’observatoire de l’environnement bénéficie habituellement d’un budget de 110 millions de francs, dont la moitié est financée par la province Sud et l’autre moitié par des industriels miniers (SLN, Prony Resources, Société minière Georges-Montagnat et Prony Energies). "Nous avons appris très tardivement, au mois d’août, que nous n’aurions pas nos subventions, explique le directeur de l’Oeil. Nous n’avons donc pas pu nous adapter. De plus, nous n’avons aucune visibilité pour 2025." Cette année 2024, l’association n’a perçu qu’une enveloppe de 10 millions de francs, versée uniquement par Prony Energies.

Cagnotte en ligne

L’Oeil compte bien résister à cette mauvaise passe, et lance un appel à la générosité des Calédoniens et des Calédoniennes qui le souhaitent et le peuvent "pour conserver la production et l’accès à ces informations qui seront nécessaires à une reconstruction durable du pays, et maintenir un outil qui sera bien plus coûteux à reconstruire qu’à conserver." Ainsi, une cagnotte en ligne est ouverte. "Chaque geste compte !" souligne l’Oeil.