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    Nouvelle Calédonie
  • Propos recueillis par Anne-Claire Pophillat | Crée le 28.03.2025 à 05h00 | Mis à jour le 28.03.2025 à 08h37
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    Les deux Calédoniens Paul Clément-Larosière et Arthur Radiguet présentent La Guerre de l’eau au Théâtre de l’Île, une pièce mise en scène et jouée par leur troupe, la Compagnie du Gymnase. Photo A.-C.P.
    Nés en Nouvelle-Calédonie en 1998, Arthur Radiguet et Paul Clément-Larosière se sont rencontrés sur les bancs du collège et ne se sont plus quittés depuis, de la spécialité théâtre au lycée Lapérouse à la Compagnie du Gymnase, qu’ils gèrent tous les deux. L’un comédien et metteur en scène, l’autre producteur et diffuseur. Ils sont à Nouméa pour présenter leur pièce, La Guerre de l’eau, au Théâtre de l'Île, qui aborde de nombreux sujets d’actualité, écologie, information, racisme, etc., mais "avec beaucoup d’humour". Interview croisée. 

    Quand et comment avez-vous découvert le théâtre tous les deux ?

    Arthur Radiguet : Je devais avoir 12 ans, à Pacifique et compagnie. Je me souviens avoir été, à la fin de l’année, écouté pendant une heure, applaudi. Je me suis dit que c’était chouette ce concept et cela m’a donné envie de faire ce métier, alors je suis parti en spécialité théâtre au lycée Lapérouse. Après, j’ai passé des auditions pour intégrer une école de théâtre. J’ai été pris au Lucernaire, à Paris, puis je suis allé au Studio Muller, pendant quatre ans, et j’ai rapidement commencé à jouer. Beaucoup de théâtre classique au début.

    Paul Clément-Larosière : J’ai rencontré Arthur en sixième, on était au collège ensemble, et c’est un peu lui qui m’a mis au théâtre, en m’incitant à le suivre dans la spécialité théâtre au Lapérouse. Après, j’ai appris les métiers de la technique, régisseur, lumière, son, décors, etc., pendant quelques mois au Théâtre de l’Île, avant d’intégrer une école de management de la culture en alternance à Bordeaux. J’ai notamment travaillé au sein d’Acmé Productions, la société d’Alexis Michalik. J’ai été formé à la production, à la diffusion et à l’administration de tournée. J’ai enchaîné avec un master production de spectacle vivant à Paris, ce qui m’a permis d’aller chez Atelier Théâtre Actuel, la plus grosse société de production de Paris dans le théâtre.

    Quel rôle a joué la spécialité théâtre au lycée Lapérouse ?

    Arthur Radiguet : Notre professeure, Claire-Marie Mouret, a posé les graines de mon envie, de cette carrière que je mène aujourd’hui. Elle est géniale, elle nous a fait travailler des textes très compliqués et, pourtant, on a adoré. Elle m’a donné l’amour du classique.

    Avez-vous ressenti un décalage en arrivant à Paris ?

    Arthur Radiguet : J’étais très content d’arriver en France, parce que je venais chercher un accès plus important à la culture. Mais, le fait de troquer les claquettes pour le métro, le froid… Le rythme de vie calédonien me convient énormément. À Paris, il y a un côté speed qui est très stimulant, mais qui est aussi extrêmement anxiogène et fatigant. Au début, j’étais un peu paumé, j’essayais de rattraper mon retard, je me donnais à fond.

    "J’ai intégré l’Association de la jeunesse ultramarine dans le cinéma et l’audiovisuel, créée par une Calédonienne, Orana Larthomas, pour mettre les gens en lien avec des professionnels. J’aurais rêvé d’avoir ça en arrivant de Calédonie."

    Arthur, vous êtes comédien mais aussi metteur en scène, c’est le cas avec la pièce que vous présentez au Théâtre de l’Île samedi 29 et dimanche 30 mars, La Guerre de l’eau. Comment êtes-vous passé de l’un à l’autre ?

    Arthur Radiguet : J’ai été professeur assez tôt en cours amateur puis professionnel, donc j’ai fait pas mal de spectacles d’élèves. J’ai été assistant metteur en scène sur le premier projet que j’ai monté avec Paul. Je savais que j’avais cette envie de mettre en scène. Et j’ai monté la compagnie pour ne pas attendre qu’un réalisateur ou qu’un metteur en scène vienne me chercher.

    Et Paul, vous avez rejoint Arthur au sein de la Compagnie du Gymnase…

    Paul Clément-Larosière : Je travaillais pour différentes compagnies de théâtre, en production et en diffusion. Puis, j’ai eu envie de pouvoir me concentrer sur les projets qu’on montait avec Arthur. C’est lui qui a fondé la compagnie, en 2021, et il est venu me voir en me disant qu’il aimerait bien qu’on fasse une pièce ensemble.

    Vous vous investissez à Paris dans une association pour aider les Calédoniens et les Ultramarins qui veulent suivre le même parcours que vous. Qu’en est-il ?

    Arthur Radiguet : J’ai intégré une association dans l’Hexagone pour les Calédoniens et les gens des DOM-TOM, l’Ajuca. L’Association de la jeunesse ultramarine dans le cinéma et l’audiovisuel a été créée par une Calédonienne, Orana Larthomas, pour mettre en lien les gens de Tahiti, de La Réunion, des Antilles, etc., avec des professionnels (réalisateurs, producteurs, scénaristes, acteurs, directeurs de casting). Par exemple, il y a une semaine, on a fait une séance de travail avec Jill Gagé, la directrice de casting d’Anatomie d’une Chute, qui a reçu la Palme d’Or en 2023. C’est une chance incroyable. J’aurais rêvé d’avoir ça en arrivant de Calédonie.

    "Je trouve ça bien d’avoir des exemples. C’est rassurant et stimulant d’avoir quelqu’un qui ouvre la voie."

    Des Calédoniens vous contactent parfois pour avoir des renseignements ?

    Arthur Radiguet : Oui, ça arrive. Je pense à un Calédonien qui était au Lapérouse lorsque j’avais une médiation culturelle et qui aujourd’hui est au cours Florent. Je lui ai aussi parlé de l’Ajuca et il vient d’intégrer l’association. Je trouve ça bien d’avoir des exemples, des personnes qui ont déjà eu ce parcours. Moi, quand j’ai rencontré Morgane Real, une Calédonienne qui est entrée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique, je me suis dit que c’était possible, en tant que Calédonien, d’y accéder. Il y a un mois, elle est entrée à la Comédie française, c’est la première Calédonienne à l’intégrer. Cela donne de l’espoir pour la suite. C’est rassurant et stimulant d’avoir quelqu’un qui ouvre la voie.

    Vous êtes déjà venus en Nouvelle-Calédonie avec une première pièce, il y a deux ans. C’est important de présenter vos créations ici ?

    Arthur Radiguet : Oui, je voulais rentrer avec un but, pas juste pour les vacances. J’ai vraiment envie de partager des histoires avec les Calédoniens. Le fait de proposer une pièce, d’aller dans les lycées, de faire de la médiation culturelle, ça a du sens, il fallait apporter quelque chose. Nous réalisons beaucoup d’interventions dans les établissements scolaires, seize en deux semaines.

    Paul Clément-Larosière : Ce lien avec la Nouvelle-Calédonie est essentiel.


    La Compagnie du Gymnase a proposé de nombreuses interventions avec les lycéens de Jules-Garnier et du Lapérouse. Photo DR

    Avez-vous un projet d’écriture sur la Nouvelle-Calédonie ?

    Arthur Radiguet : Cela nécessite beaucoup de réflexion, de s’entourer de bons auteurs, qui ont connaissance de la question de la colonisation, de la Calédonie, qui sont sensibles à ce sujet. C’est un projet sur lequel je travaille.

    "J’ai vraiment envie de partager des histoires avec les Calédoniens. Le fait de proposer une pièce, d’aller dans les lycées, de faire de la médiation culturelle, ça a du sens."

    Que raconte La Guerre de l’eau ?

    Paul Clément-Larosière : La Guerre de l’eau ne parle pas spécifiquement de la Nouvelle-Calédonie, mais tous les thèmes et les sujets qui y sont évoqués sont universels.

    Arthur Radiguet : La pièce raconte l’histoire d’un metteur en scène assez raté qui essaie de faire plein de choses et ça ne fonctionne jamais. Je me suis inspiré de moi (rires). Il répond à un appel à projet qui vise à sauver le monde. Chaque pays, chaque ville est encouragée à faire un projet en même temps, sur vingt-quatre heures, pour essayer d’éveiller les consciences au même moment. Il réunit une équipe qui n’a aucune bonne raison d’être là et aucune expérience. Donc, plus on avance dans l’histoire, moins ça se passe bien. On traite les combats de notre génération, des thèmes extrêmement larges, l’écologie, l’information, le genre, le racisme, l’homophobie, etc., mais avec beaucoup d’humour, avec cette idée que ce n’est pas parce qu’on va voir une pièce sur l’écologie que ça doit être plombant ou moralisateur. C’est une pièce qui nous fait réfléchir, mais aussi et surtout rire.

    Qu’est-ce que cela vous fait de jouer la pièce ici ?

    Paul Clément-Larosière : On a la chance d’avoir un théâtre magnifique avec un plateau grandiose, une acoustique géniale. Cela va influer sur l’aspect de la pièce.

    Arthur Radiguet : Le fait de rentrer au pays, de jouer devant mes anciens professeurs, des amis, de la famille, me stimule beaucoup et me donne envie de me surpasser. Et c’est vrai, le Théâtre de l’Île est une des plus belles salles françaises, elle a un cachet incroyable, avec le mur de pierre au fond. Quand on dit à des gens du milieu que l’on va en Nouvelle-Calédonie, ils disent "Ah, la chance que vous avez !" C’est vraiment la plus belle tournée française.

    "Il faut que les institutions prennent en considération ce besoin, la culture, qui, certes reste du tertiaire, mais qui est primordial pour tout le monde."

    Dans le contexte actuel, après les émeutes de mai 2024, est-ce que la culture, qui souffre aussi en raison de la crise économique, peut être une des solutions ?

    Paul Clément-Larosière : Si des lieux comme le centre Tjibaou ou le Théâtre de l’Île, qui sont lâchés par l’État, le gouvernement, ne peuvent pas finir l’année, juste payer les murs et l’électricité et ferment, il n’y aura plus rien et demain, personne ne sera prêt à sortir des millions de francs pour s’engager dans quelque chose qui sera peut-être à perte. Il faut que les institutions prennent en considération ce besoin qui, certes reste du tertiaire, mais qui est primordial pour tout le monde.

    Arthur Radiguet : Il y a aussi des choses à réinventer, notamment dans la programmation des lieux culturels afin d’intéresser le public calédonien, et à inventer. Je serais ravi de faire venir des auteurs et des troupes pour faire des créations sur place, par exemple. Je pense que c’est important de continuer à faire venir des gens de l’extérieur, que ce soit en danse, en musique, en théâtre, pour apporter un autre regard, une autre perspective.

    Note

    La pièce La Guerre de l’eau, écrite par Rémi de Vos, mise en scène et jouée par Arthur Radiguet et la Compagnie du Gymnase, c’est le samedi 29 et le dimanche 30 mars au Théâtre de l’Île, à 18 heures. Pour réserver : www.tickets.nc. Tél. : 25 50 50. Plein tarif : 3 000 francs/tarif réduit (- 22 ans) : 1 600 francs.

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