- Fabien Dubedout / lnc.provinces@lnc.nc | Crée le 24.04.2018 à 04h25 | Mis à jour le 24.04.2018 à 10h40ImprimerLe premier atelier devait se limiter à un comité restreint. Face à l’engouement des participants, le rendez-vous sur la coordination du tourisme à l’île des Pins s’est tenu en public, sous le marché couvert de Vao. Photo F. D.ÉCONOMIE. Depuis hier, l’île des Pins accueille pour trois jours des Ateliers du tourisme. Tous les acteurs du secteur vont tenter de concilier développement économique et protection de l’environnement.
Au cours de la première des trois journées des Ateliers du tourisme de l’île des Pins, organisés par la province Sud, le qualificatif est revenu souvent : Kunié est le « bijou » touristique du pays.
Mais dès la coutume, hier matin, une nuance a été apportée. « Tout le monde dit que c’est un joyau », a souligné Adrien Apikaoua, représentant du grand chef, Hilarion Vendegou. « Il ne faut pas qu’il soit cabossé. Aujourd’hui, on ressent que l’impact se fait de plus en plus présent ».
« Ça fait un moment qu'on attend cette rencontre à l'île des Pins sur le tourisme », a affirmé de son côté le grand chef et maire de Kunié. « Il faut réfléchir et innover. On a peut-être eu tendance à tourner en rond dans nos us et coutumes. » Puis il prévient : « Le tourisme doit obéir à certains droits, certaines règles, mais nous voulons donner notre avis. »
Première coopération
Dès le départ, la province Sud a bien prévenu : ces ateliers se font en partenariat avec la mairie. « La province est là pour accompagner la démarche et la volonté des Kunié, pas pour faire à leur place », a insisté Thierry Reydellet, directeur de la Defe (Direction de l’économie, de la formation et de l’emploi), lors du premier atelier.
Et tous s’accordent sur un point, c’est la première fois que tous les acteurs - institutions, coutumiers, professionnels et habitants - se retrouvent ensemble pour parler du développement économique de l’île.
Pour y arriver, plus d’une centaine d'entretiens ont été réalisés depuis mi-janvier pour dégager des problématiques comme la desserte maritime et aérienne, la gestion du fret, l'eau, la signalétique…
Autant de thématiques et de questions qui seront évoquées dans un atelier dédié de lundi à mercredi. L’objectif est de trouver comment concilier le développement économique avec la protection de l’environnement.
Car le constat est sans appel : des zones touristiques sont jugées aujourd’hui « sensibles », voire « très sensibles » : la baie de Kanuméra, la baie d’Oro, la piscine naturelle et l’îlot Nokanhui, aujourd’hui fermé aux touristes.
Un joyau « référence »
« On a pour objectif de mieux maîtriser les flux, notamment des croisiéristes », souligne Iolani Martin, chargée de mission tourisme pour la province Sud. « Quand un paquebot touche l'île des Pins, c'est l'équivalent de la population qui débarque. On imagine le choc », a reconnu de son côté le député Philippe Dunoyer. Une des idées est de répartir les activités et donc les touristes.
Parmi les points évoqués, un reste récurrent. « On a un gros point noir, c'est la gestion de la ressource de l'eau », souligne Manina Tehei, chargée de mission. « A nous qui favorisons le développement touristique de devoir adapter les structures pour accueillir les croisiéristes et les touristes. »
Avec ses Ateliers, la province Sud voit au-delà de ses frontières et compte faire de son « joyau » une référence. « La province Sud veut faire de l'île des Pins un exemple de développement durable », a souligné Martine Lagneau, première vice-présidente de la Maison bleue.
« Une bonne partie de ces problématiques sont communes aux Loyauté, qui ont les mêmes contraintes comme les ressources ou la double insularité », a appuyé également Philippe Dunoyer.
De leur côté, les Loyauté appuient leur développement touristique sur des forfaits tout compris (les fameux iBozu) ou encore de grandes fêtes promotionnelles. Et dans cette catégorie, le Sud perd un atout, car il se répète que la Foire de l’île de Pins n’aura pas lieu cette année.
LE POINT DE VUE DE…
Guillaume Kouathe, gérant du Gîte Nataiwatch
Les Nouvelles calédoniennes : Depuis quand êtes-vous dans le tourisme ?
Guillaume Kouathe : Cela fait trente-huit ans.
Comment a évolué le tourisme depuis ?
Il y a une trentaine d’années, c’était autre chose, on pouvait encore le gérer. Ça a énormément évolué. On n’a pas eu le temps de créer un outil pour gérer l’évolution de cette activité économique. Il faut un outil aujourd’hui.
Pensez-vous que ces ateliers pourront y contribuer ?
Le train est parti, il ne faut pas le louper. Notre premier objectif, c’est de nous interpeller nous-mêmes. On est resté trop monotone. Il faut mieux nous organiser, créer une structure pour regrouper tout le monde, pour parler d’une même voix. Pour nous qui avons commencé une génération après les anciens, nous avons remarqué que chacun a tendance à tirer de son côté. Ce n’est plus la même voix. Il y a un impact sur l’environnement et sur l’humain.
Y a-t-il trop de touristes, selon vous ?
Il y en a trop dans le sens où on ne s’y est pas préparé. Aujourd’hui, qu’est-ce qu’on peut proposer d’autre ? Il faut mettre en avant l’environnement, former des guides, créer des parcours pédestres… Cela demande de la formation et de la volonté.
Y a-t-il d’autres domaines que vous souhaitez aborder durant ces trois jours ?
L’accompagnement essentiel, c’est sur l’eau. Depuis l’année dernière, on a presque six mois de problème d’approvisionnement. Les touristes comprennent. Heureusement.
Ça a plutôt freiné mon établissement, parce qu’on ne pouvait pas bien ravitailler tout le côté restauration. On ne faisait que les repas du soir et le petit-déjeuner. On ne faisait plus le midi et pour les gens de l’extérieur.
66 000 touristes
sont venus à Kunié en 2016, dont 44 000 touristes étrangers ou affinitaires et 22 000 touristes calédoniens. 225 594 croisiéristes ont fait escale en 2017.
L’exemple chinois
L’anecdote revient souvent, à demi-mot, entre amusement et gêne. Des touristes chinois auraient ramassé des bêches-de-mer et d’autres créatures vivantes dans la piscine naturelle d’Oro, avant de les ramener à l’hôtel. Cette situation délicate a eu une vertu pédagogique hier après-midi lorsqu’a été posée la question « Quel type de tourisme veut-on ? » Immédiatement, un Kunié a demandé si on parlait là des Chinois. « Est-ce que vous souhaitez que les touristes chinois viennent ? C’est une question qu’il faut se poser. C’est un tourisme qui se développe partout dans le monde », a interpellé Thierry Reydellet, directeur de la Defe, qui a voulu démystifier la chose. « Quand on parle de tourisme chinois, on voit un tourisme de masse. Deux mille chinois qui débarquent et qui vont pêcher les bêches-de-mer… » Puis il ajoute, plus sérieusement : « Je pense que ce tourisme de masse ferait fuir les Japonais, qui sont une bonne clientèle. »
Jean-Marc Mocellin, directeur du GIE NCTPS (Nouvelle-Calédonie tourisme point sud), précise le sujet à son tour. « Il faut se rassurer, il n’y aura jamais des milliers de Chinois qui viendront à l’île des Pins. Ne serait-ce que pour la distance, on ne peut toucher qu’une clientèle haut de gamme. » Et le directeur en profite pour revenir sur le sujet initial. « Est-ce que, en choisissant un tourisme haut de gamme, on n’arriverait pas à limiter le nombre de touristes qui viennent ici ? Il y a un choix de clientèle, de prestation, qui va déterminer pour vous le type de produits que vous allez développer. »
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