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    Nouvelle Calédonie
  • Philippe Frédière | Crée le 24.08.2018 à 06h08 | Mis à jour le 24.08.2018 à 06h44
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    Un entrepreneur disait de ce chantier d’aéroport qu’il avait vu passer tous les chats noirs imaginables.
    Une quinzaine de sociétés réclamaient devant le tribunal administratif environ 1,7 milliard à la CCI au titre des retards et préjudice du chantier de l’aéroport. Ces prétentions ont été fortement revues à la baisse lors de l’audience d’hier. L’architecte a été appelé en garantie dans plusieurs cas. Le jugement sera rendu le 25 septembre prochain.

    La Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Nouvelle- Calédonie risque de devoir s’acquitter d’une somme avoisinant les 350 millions au profit d’une quinzaine d’entreprises qui ont participé au long chantier de rénovation et d’extension de l’aéroport de La Tontouta.

    C’est en tout cas ce que pourrait décider le tribunal administratif de Nouméa, s’il suit les conclusions de son rapporteur public Jean-Luc Schnoering. Consolation pour la CCI, le cabinet d’architecte et la société Egis qui ont formé le groupe de maîtrise d’oeuvre, devraient être, eux aussi, appelés en garantie.

    Au cours d’une audience qui a duré plus de cinq heures, le magistrat représentant le ministère public a fortement revu à la baisse les prétentions des différentes entreprises qui réclamaient un total avoisinant 1,7 milliard de francs de dédommagements divers. En revanche, il a demandé que la CCI verse la somme de 30 millions à TET, une entreprise mise en liquidation depuis ce chantier, et à laquelle il était demandé la somme de 425 millions via le mandataire liquidateur et sa compagnie d’assurances.

    Marathon juridictionnel

    Le tribunal a mis l’ensemble des dossiers en délibéré et rendra ses jugements le 25 septembre prochain. Si l’affaire ne va pas ensuite en cour administrative d’appel, cette audience aura ponctué un feuilleton vieux de plus de treize ans, et un marathon juridictionnel qui a débuté en 2013. D’entrée de jeu, le magistrat rapporteur a brossé un portrait sévère de ce chantier mal né. Il a notamment évoqué une notification adressée en 2011 par la CCI à la société d’architecte Jacques Rougerie qui pilotait le chantier, dans laquelle la CCI pointait « la manière inacceptable » avec laquelle le chantier était géré.

    Dans cette note, la CCI insistait sur les conséquences financières, mais aussi en matière d’image, qui résultaient pour elle de la conduite des opérations par le groupe de maîtrise d’oeuvre. La CCI déplorait déjà le manque de coordination dû à la présence d’une maîtrise d’oeuvre locale et d’une maîtrise d’oeuvre métropolitaine.

    Le magistrat rapporteur s’est aussi interrogé sur la pertinence du choix d’un cabinet d’architecte qui n’avait alors pas d’expérience de la construction aéroportuaire.

    C’est ainsi que le premier contrat de maîtrise d’oeuvre a été résilié en 2011 et qu’un nouvel accord a été passé pour installer une nouvelle équipe. À cette date, selon l’expertise demandée en 2016 par le tribunal administratif, seulement 22 % des travaux avaient été effectués alors que l’on aurait dû approcher de l’achèvement. Il a fallu procéder à un nouveau phasage.

    DÉFAILLANCE

    Le même manque d’anticipation semble avoir singulièrement retardé les opérations de désamiantage des locaux de l’Aviation civile. Jean-Luc Schnoering note aussi « une estimation insuffisante des contraintes spécifiques concernant l’obligation d’assurer, en permanence, le fonctionnement opérationnel de l’aérogare nécessitant des adaptations constantes du rythme de travail provoquées par l’actualisation hebdomadaire des plannings de vols. » Ce qui, dans les mauvais jours, a provoqué des déroutages d’appareils.

    Il s’est également étonné que la CCI ait continué jusqu’en 2010 à travailler avec une équipe de maîtrise d’oeuvre « gravement défaillante ». Les conséquences de tout cela sont connues : près de trois ans de retard et des coûts qui se sont envolés. Malgré cela, des entreprises ont gagné moins d’argent que prévu, certaines en ont perdu, l’une d’elle a fait faillite.

    Et, pour limiter les dégâts de son côté, la CCI qui décide en 2015 d’appliquer des pénalités de retard à une quinzaine de prestataires, d’où les recours examinés hier. En conclusion de son propos introductif, le magistrat a affirmé que le point commun à toutes ces affaires est que ces entreprises « sont fondées à soutenir que la CCI a commis des fautes dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins (…) et sont fondées à demander réparation des préjudices qui trouvent directement leur origine dans ces fautes. »

    Dans plusieurs dossiers, le rapporteur public a préconisé que le groupe de maîtrise d’oeuvre soit appelé à contribuer solidairement au dédommagement des sociétés.


    C’est un chantier complexe depuis l’origine

    La présidente a tenu, aux côtés d’Isabelle Coupey, secrétaire générale de la CCI à réagir à la suite du procès.JENNIFER SEAGOE, PRÉSIDENTE DE LA CHAMBRE DE COMMERCE ET D’INDUSTRIE

    Les Nouvelles calédoniennes : Êtes-vous surprise par les conclusions du rapporteur public ?

    Le rapporteur public a émis son avis et les juges rendront leur jugement plus tard. Ce rapport est intéressant et dans la continuité des deux jugements qui ont été précédemment rendus [au tribunal administratif en 2013 et confirmé par la cour d’appel en 2016 ]. La CCI a effectivement été condamnée. Mais avec un appel en garantie auprès de la maîtrise d’oeuvre, pour un montant de 75%. C’est ce qui est d’ailleurs ressorti dans un certain nombre de jugements aujourd’hui. Concrètement cela veut dire que, oui, les entreprises ont attaqué la CCI en tant que maître d’ouvrage car c’est elle qui porte et finance le projet. Pour autant, la responsabilité des retards a été portée sur la maîtrise d’oeuvre. Les architectes et les bureaux d’étude en charge de coordonner les chantiers, car c’est bien eux qui in fine, ont été responsables de ces retards. Quelque part, on reporte la responsabilité. C’est très important. Ce chantier est complexe depuis l’origine. C’est pour cela qu’on a fait intervenir un expert pour faire la part des choses.

    La CCI est-elle en mesure de rembourser de telles sommes en cas de condamnation ?

    Si les juges du tribunal administratif suivent l’avis du rapporteur public et que nous sommes condamnés, ces sommes sont déjà dans nos comptes. Nous avions anticipé en accord avec notre commissaire aux comptes. Nous avons décidé d’appliquer aux différents contentieux qui sont en cours la même logique que les résultats de deux précédents jugements, qui allaient dans le sens de 75-25. Nous avons donc provisionné. Nous avons évalué le risque. Il s’agit d’argent public, nous nous devons d’être responsables.

    Nous sommes maîtres d’ouvrage car nous finançons, mais nous ne sommes pas maître d’oeuvre

    La chambre n’a-t-elle pas sous-estimé ce chantier ?

    Je le répète, c’est un chantier complexe. C’est pour cela qu’on a fait intervenir un expert. Nous sommes maîtres d’ouvrage car nous finançons. La CCI n’avait pas le droit d’interférer dans le déroulement du chantier.

    Il y a tout de même eu des dépassements comparé aux premières estimations…

    Le projet n’a jamais été lancé, comme on a pu l’entendre, sur la base des 5,3milliards. On l’a répété. Il s’agissait d’estimations partielles évoquées au tout début des réflexions sur ce projet. L’avantprojet, qui marque le point de départ a permis d’estimer une somme bien différente : 9,6milliards. Oui, il y a eu un dépassement, mais de 15%. 19% si on y ajoute les travaux sur les parkings. Nous ne sommes pas en train de dire que c’est idéal, mais nous ne sommes pas dans un doublement des sommes. Dans n’importe quel chantier de grande envergure, il y a des dépassements de cet ordre.

    Ces chiffres seraient donc à relativiser ?

    Le rapporteur public, comme durant les précédents procès, a revu à la baisse les sommes demandées par les entreprises et établi un partage des responsabilités. Tout cela a été ramené sur des proportions raisonnables. Les chiffres peuvent donner le vertige mais il ne faut pas faire de raccourcis.


    Qui paiera quoi ?

    - Eiffage Energie Transport et Distribution demandait 534 millions de francs. Elle pourrait en obtenir 110,4 avec la mise à contribution de l’architecte et d’Egis, composant l’équipe de maîtrise d’oeuvre.
    - Cofely Socometra demandait 7 millions. Elle devrait rester débitrice de 2,5 millions.
    - La SARL Pascaud demandait 3,85 millions, elle pourrait toucher 370 000 francs.
    - La société Barachet demandait 33,4 millions, mais c’est elle qui risque de se retrouver avec un solde négatif de 15,5 millions.
    - TPNC demandait 4,96 millions, elle pourrait en obtenir 4,78.
    - Les groupes Vinet et Altis demandaient 4,86 millions, ils pourraient n’obtenir que 720 000 F.
    - Menuiserie Beneytou demandait 10,7 millions, elle pourrait obtenir 6,6 millions.
    - TUF demandait 60 millions et pourrait en avoir 22,9.
    - Viré demande 110 millions et pourrait en avoir 31,6.
    - Socalet demande 17,4 millions et pourrait ne rien avoir.
    - Colas demande 533,9 millions et peut en espérer 24,7.
    - Socometra demande 231,6 millions et pourrait en avoir 94,7.
    - Daifuku Logan demandait 135,7 millions et pourrait en recevoir 20,5.

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