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    Nouvelle Calédonie
  • Par Esther Cunéo | Crée le 09.10.2018 à 06h40 | Mis à jour le 09.10.2018 à 06h50
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    Porté par le passage de la TGC à taux plein, le prix du tabac accuse une nouvelle hausse de 20 %, propulsant le paquet de 20 cigarettes à 1 560* francs. A ce prix, la Nouvelle-Calédonie se hisse en haut du classement des cigarettes les plus chères du monde, aux côtés de pays dotés de politiques antitabac offensives, comme l’Australie et la Nouvelle- Zélande.

    A 78 francs la cigarette, s’en griller une est aujourd’hui un luxe que nombre de Calédoniens ne pourront pas, ou plus, se permettre. « C’est le but, indique un artisan du plan Do Kamo, taper dans le portefeuille pour décourager notamment l’entrée dans la consommation. » +30 % en septembre 2015, +20 % le 1er janvier, +20 % le 1er octobre. Elle est loin la barre symbolique des 1 000 francs. En l’espace de quatre ans, les hausses successives des taxes ont multiplié par deux le prix du tabac : 1 000 francs le paquet de 25 cigarettes en octobre 2014, contre 1 950 aujourd’hui.

    A ce prix-là, la Nouvelle-Calédonie rejoint le club très fermé de ces pays qui ont décidé de ruiner les fumeurs, se hissant sur le podium du tabac le plus coûteux derrière la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Championne de la lutte antitabac, l’île-continent a adopté, en septembre 2017, une majoration de 12,5 % chaque année, pendant quatre ans, du prix des paquets de cigarettes. Objectif : atteindre 3 200 francs en 2020, et passer sous la barre des 10 % de fumeurs sur l’ensemble de la population (aujourd’hui à 14,6 %).

    Les Calédoniens doivent aujourd’hui débourser 1 560 francs pour un paquet de 20, contre 1 300 francs auparavant. Photo thierry Perron

     

    Le cas australien

    Scruté par les pays sur le point d’adopter la même méthode, comme l’Angleterre, l’Irlande ou la Finlande, le cas australien suscite aussi l’intérêt du Caillou, culminant à 42,5 % d’accros à la nicotine. Une triste performance pour un pays riche.

     

    Il faudrait dédier une plus grande partie de ces taxes à la prévention des addictions.

     

    S’appuyant sur l’appel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à « augmenter les taxes sur le tabac pour encourager le sevrage », les ateliers du plan Do Kamo ont donc soumis l’an passé, à l’exécutif, un projet de texte afin de relever les prix de 10 % tous les ans, sur une décennie.

    Mais entre-temps, la TGC est passée par là. La plupart des taxes spécifiques au tabac n’étant pas désarmées par la réforme, son taux supérieur (à 22 %) a été presque entièrement répercuté sur le prix du tabac. Devenu ainsi obsolète, le texte a été écarté. D’autant que cette augmentation intervient seulement neuf mois après celle du premier janvier. Préparé en catimini, et déposé au dernier moment, l’amendement à la TAT3S** prévoyant une hausse de 20 % sur les cigarettes et de 40 % sur le tabac à rouler, avait déjà porté un coup de massue aux fumeurs, faisant passer le prix du paquet de 25 cigarettes de 1 340 à 1 615 francs. Assez pour commencer à essouffler la consommation.

    « Entre septembre 2017 et septembre 2018, on table sur un recul des ventes de 13 % », confie Pierre Emery, gestionnaire de la régie locale des tabacs. L’impact de la TGC devrait générer une décrue équivalente en 2019, prédit la régie, « voire plus ».

    Baisse de 13 % des ventes

    La baisse ainsi observée depuis 2013 se confirme. Si le total des ventes est passé de 400 tonnes en 2013 à 345 tonnes en 2017, selon les dernières estimations, il devrait chuter à 310 tonnes cette année pour atteindre 280 tonnes fin 2019. Un manque à gagner pour l’Agence sanitaire et sociale (ASS) ? Au contraire. En 2017, la vente de tabac a généré un chiffre d’affaires de 14,2 milliards de francs (lire par ailleurs), qui devrait grimper à 15,4 milliards en 2018.

    Les fumeurs invétérés ne sont pas pour autant à l’abri de nouvelles surprises. Une nouvelle version de la TAT3S pourrait faire encore monter les enchères. Dans les circuits législatifs, la délibération d’application du plan Do Kamo prévoit au chapitre « Identifier des nouvelles recettes », de transformer la TAT3S en TAT4S auquel viendrait s’ajouter - à l’alcool et au tabac - une taxe sur les boissons sucrées. « Les élus sont libres de relever, ou non, l’assiette de cette taxe », commente un membre de l’équipe Do Kamo. Responsable du programme d’addictologie à l’ASS, Patrice Hoarau voit plutôt d’un bon oeil la flambée des prix. « Ça ne peut qu’accentuer le sevrage du tabac, félicite le directeur. Mais il faudrait dédier une plus grande partie de ces taxes à la prévention des addictions. » 

    * Sur la base d'un paquet de Marlboro ** Taxes sur l’alcool et le tabac, en faveur du système sanitaire et social  

     

    Le profil du fumeur calédonien

    ♦ Homme ou femme, cadre ou retraité

    Profil et comportement, impact de la hausse du prix du tabac, ou potentiel d’arrêt : une étude d’iScope pour l’Agence sanitaire et sociale sur la consommation de tabac dresse le profil du fumeur calédonien. Menée auprès d’un échantillon de 902 personnes, l’enquête relève un taux de fumeurs plus élevé chez les 21-39 ans (51 %), les ouvriers (55 %), les hommes (44 %, contre 35 % des femmes), et les Océaniens (46 %). Ce taux s’établit à 22 % chez les cadres et professions intellectuelles supérieures, et semble diminuer avec l’âge : 11 % pour les retraités, ou les plus de 60 ans.

     Métropolitains et Polynésiens, des profils similaires

    Les Calédoniens fument en moyenne une dizaine de cigarettes par jour. Les Métropolitains et les Polynésiens cependant présentent des profils de consommation assez proche note l’étude : 18 % des deux communautés fument un paquet par jour. Ils sont également 26 % à fumer 5 cigarettes, ou moins. Les plus gros fumeurs se retrouvent plus souvent dans la tranche d’âge des 40 à 59 ans. Ainsi, 20 % de cette tranche d’âge dans les deux communautés fument 21 cigarettes ou plus.

    ♦ La première cigarette

    Une majorité des fumeurs (56 %) n’attendent pas une heure après leur réveil pour griller leur première cigarette. Plus ils s’y mettent tôt, plus ils enchaînent. « La moitié de ceux qui consomment 21 cigarettes ou plus fument dès le réveil, note l’étude, 92% avant une heure. » Ils ne sont en revanche que 12 % à s’abstenir le matin. 

    84% des fumeurs expriment le désir d'arrêter. Photo Thierry Perron

     

    ♦​ Le désir d'arrêter

    Interrogés sur l’envie d’arrêter, les fumeurs se divisent en cinq catégories : les « irréductibles » qui ne veulent pas et n’ont pas essayé (6 %), les « défaitistes » restés sur un échec (10%), les « aspirants » à l’arrêt qui n’ont jamais essayé (12 %), et les « motivés » (72 %) qui ont essayé sans succès, mais qui persévèrent. Ils sont cependant 84% à exprimer le désir de décrocher. « La proportion de ceux qui veulent arrêter de fumer est la même, quel que soit le nombre de cigarettes fumées dans la journée », commente l’étude, relevant que les Métropolitains auraient plus tendance que les autres à ne pas vouloir arrêter (30 %).

    ♦​ La relation à la hausse des prix

    Réduire oui. Arrêter, pas forcément. A la question de savoir si la hausse des prix peut avoir un impact, sans toutefois préciser un montant, 43% déclarent mettre un frein à leur consommation. Mais seulement 2 % reconnaissent que cela va les inciter à arrêter. Ainsi l’augmentation du tarif n’aura pas d’incidence sur plus de la moitié des fumeurs. L’étude note néanmoins, que « l’impact financier est plus marqué chez les populations communément plus fragiles, ou plus modestes ».

     

    Repères

    Une baisse de 3% 

    " Près d’un Calédonien sur deux a déclaré consommer du tabac ", selon le baromètre santé 2016 de l’ASS. Malgré un recul timide du nombre de fumeurs depuis 2010 (- 3%), les Calédoniens sont encore trop nombreux à fumer tous les jours. Soit 42,5% des 18 à 60 ans. Si la proportion de jeunes ayant expérimenté la cigarette a elle aussi diminué depuis 2010, elle reste élévée par rapport à d’autres pays. Ainsi entre 10 et 15 ans, 38% des Calédoniens ont déjà tiré une bouffée, alors qu’ils sont un peu moins d’un tiers chez leurs homologues de l’Hexagone.

    Recettes en hausse

    En 2017, la vente de tabac a généré un chiffre d’affaires d’un peu plus de 14 milliards de francs, dont 7,8 milliards de de revenus affectés au budget de la Calédonie et 6,4 milliards au titre de la TAT3S (Taxe sur les alcools et les tabacs en faveur du secteur sanitaire et social) affectée à l’Agence sanitaire et sociale. Pour 2018, la régie estime à 310 tonnes les volumes de tabac vendu, et table sur un rendement supérieur à 2017 en raison de la hausse des prix appliquée le 1er janvier : soit 15,4 milliards, dont 8,1 affectés au budget du pays, et 7,3 milliards à la TAT3S.

    560 000 francs

    C’est le coût annuel moyen d’une consommation quotidienne d’un paquet de 20 cigarettes depuis le passage de la TGC à taux plein.

     

    13

     

    C’est, en milliards de francs, le montant des dépenses consacrées par les ménages calédoniens à la consommation de tabac en 2012.

     

    « La moitié de ceux qui consomment 21 cigarettes ou plus fument dès le réveil. »

    Une étude de iScope pour l’ASS

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