- Par Philippe Frédière | Crée le 04.10.2018 à 06h49 | Mis à jour le 04.10.2018 à 06h57ImprimerLe FLNKS veut revoir à la baisse le dispositif de défense en Calédonie. La justice en Calédonie est actuellement rendue par des magistrats métropolitains. Archives LNC.Irréaliste, fantaisiste, irresponsable, dangereuse, les principaux partis loyalistes ont des mots très durs contre le projet financier du FLNKS présenté, hier, par Gilbert Tyuienon dans nos colonnes.
Philippe Blaise : « Projet irresponsable »
« Le FLNKS nous explique que certaines dépenses de l’Etat ne sont pas utiles et que l’on peut faire avec beaucoup moins d’argent » résume Philippe Blaise, spécialiste de l’économie chez Les Républicains Calédoniens. « Sauf que l’essentiel des dépenses de l’Etat va à la police, à la gendarmerie, à l’enseignement secondaire et aux salaires des enseignants. Je rappelle que 30 % du budget de la commune de Lifou vient de l’Etat. Cet argent sert à payer des gens d’ici, pas des expatriés. »
« Au bout du compte, en annonçant des coupes sombres sur les dépenses de l’Etat, le FLNKS nous annonce que des fonctionnaires calédoniens vont perdre leur travail, qu’un certain nombre de services publics ne seront plus financés, et que les impôts vont augmenter. J’attends des indépendantistes qu’ils nous disent clairement quels postes seront supprimés dans la fonction publique, et quels services publics seront rognés. » « Inversement, s’ils veulent maintenir la plupart des compétences régaliennes en l’état, il faudra trouver 70 à 90 milliards.
Les milliards qui repartent sont de l’argent privé, pas public.
Ce qui signifiera une augmentation d’impôts de 20 milliards pendant plusieurs années, donc un appauvrissement des Calédoniens. C’est complètement irréaliste, nous nous retrouverions avec des milliers de chômeurs supplémentaires et une pression fiscale fortement accrue. »
« Pour faire tenir son raisonnement, le FLNKS invoque l’idée que chaque année, des dizaines de milliards repartent en Métropole, et les déduit de l’apport financier de la France. Mais ce n’est pas de l’argent public, c’est de l’argent qui appartient aux particuliers qui achètent des biens d’importation pour s’équiper ou font des placements. Toucher à cet argent reviendrait à le confisquer. »
Quant au projet de « banque publique de Kanaky », Philippe Blaise le considère comme relevant d’une pensée magique. « Le FLNKS évoque 250 milliards capitalisables, mais ce sont 250 milliards d’impôts qui ne font que circuler dans des comptes avant d’être immédiatement dépensés. Cette somme n’existe pas en capital. La seule solution serait d’aller mendier de l’argent à la Chine qui pratique la colonisation économique. »
« J’ai vraiment le sentiment que ce projet a été bâti par des personnes qui ne maîtrisent pas l’économie et conduiront le pays au chômage et à la faillite. »
Philippe Michel : « Programme dangereux »
« Il faut d'abord rappeler que nous ne partageons pas la vision et le projet politique des indépendantistes. Nous pensons que les Calédoniens n'ont aucun intérêt à opter pour l'indépendance dès lors que nous sommes aujourd'hui totalement décolonisés et émancipés, puisque nous décidons de tout en matière de gestion du pays » assure le secrétaire général de Calédonie ensemble. « Nous le faisons, qui plus est, avec le puissant soutien financier de la France, y compris dans les compétences et les pouvoirs qui ont été transférés. »
« Ensuite, tout projet politique qui passe par une dégradation du service public, de la qualité de vie des Calédoniens et surtout de leur régime de liberté individuelle et d'Etat de droit nous semble extrêmement dangereux. Or, j'observe Gilbert Tyuienon expliquer que l'accession à la pleine souveraineté passerait nécessairement par la réduction d'un certain nombre de services publics rendus aux Calédoniens et nous ne nous inscrivons pas dans cette perspective-là. »
Il n’y a pas de projet construit.
« En réalité, il n'y a pas de projet construit et expertisé de la part des indépendantistes sur ce sujet-là. Ce que je comprends des développements de Gilbert Tyuienon, c'est « allons à la pleine souveraineté et puis on verra après, on se débrouillera ». Mais, non, ce n'est pas possible. »
« Dans beaucoup de nos réunions, en tribu ou en terre indépendantiste, des indépendantistes nous disent « je suis indépendantiste, j'ai toujours voté indépendantiste, je resterai fidèle à mes convictions mais le 4 novembre, je ne voterai pas pour l'indépendance car nous ne sommes pas prêts. » C'est aussi simple que ça. »
« Et c'est pour cette raison que le résultat du référendum sera, à mon avis, sans ambiguïté. Mais une fois qu'on a dit ça, on n'a rien réglé. La vraie question, ce n'est pas la question du résultat, c'est : comment on fait avec ce résultat pour continuer à vivre en paix, comment on fait pour éviter un deuxième puis un troisième référendum qui nous emmèneraient inéluctablement dans le mur, parce que les Calédoniens ne vont pas changer d'avis deux ans après s'être exprimés et, donc, comment on a suffisamment d'intelligence collective et de bonne volonté pour trouver une solution politique durable qui soit acceptable pour tous. C'est là dessus qu'il faut travailler, et c'est ce que propose Calédonie ensemble. »
Les trois grands partis loyalistes présents au Congrès sont pour une fois pratiquement sur la même longueur d’onde. Photos Archives LNC
Virginie Ruffenach : « Message d’illusionniste »
« Si on n’avait plus d’armée pour nous protéger, si nous n’avions pas besoin des compétences régaliennes (justice, monnaie), si on revoyait les rémunérations des enseignants et si on les basait sur d’hypothétiques partenariats, l’indépendance serait formidable ! C’est en substance le message d’illusionniste transmis par le porte-parole du FLNKS » estime Virginie Ruffenach, secrétaire générale du Rassemblement-LR. « C’est totalement fantaisiste. Le FLNKS propose une rupture avec la France pour se soumettre à d’autres dépendances ! Il nous oblige à nous transformer en mendiants pour quémander les moyens dont nous avons besoin.
On hypothèque la Nouvelle-Calédonie
« Il va jusqu’à faire la proposition de financer les besoins des Calédoniens (assumés aujourd’hui par l’Etat) par une banque publique que le pays créerait ! La solution magique (ou diabolique) est de remplacer une ressource pérenne et définitive (les 160milliards de l’Etat) par d’hypothétiques prêts !
« Qui apporterait les fonds à cette banque pour constituer son épargne ? Qui garantirait les dépôts et donc les prêts ? Quels seraient les taux pratiqués ? Aucune réponse crédible dans le projet farfelu du FLNKS ! C’est la faillite assurée. La façon dont les indépendantistes gèrent leur budget est une illustration de cet appauvrissement général ! On hypothèque la Nouvelle-Calédonie, on la joue aux dés. Souvenez-vous que Philippe Germain vient d’offrir 1milliard à la province Nord pour combler les trous, alors que la clé de répartition favorise déjà la province Nord par rapport à la province Sud.
Quant à l’Etat, il met en réalité deux fois 160milliards sur la table en NC puisqu’il a apporté quasiment ce montant pour sauver les usines de nickel (SLN, Vale et KNS) au travers des garanties bancaires et de la défiscalisation... La réalité, c’est que l’indépendance aurait comme conséquence le départ de toutes les forces vives du territoire et que ça serait une rupture définitive sans retour possible. »
Repères
90 milliards
C’est la somme que, selon le FLNKS, la France consacre chaque année au financement des compétences régaliennes (ordre public, justice, défense, monnaie, relations extérieures) ainsi qu’à l’enseignement secondaire. Ce montant n’inclut pas l’enseignement supérieur et le projet indépendantiste prévoit de prendre le relais de la Métropole dans un délai de quatre à cinq ans, après avoir revu les coûts à la baisse dans le cadre d’une nouvelle organisation.
Fonds souverain
C’est une des volontés du FLNKS, un fonds souverain alimenté par l’industrie du nickel lorsqu’elle aura retrouvé une situation bénéficiaire.
Nouvelle monnaie
L’opération prendrait du temps, mais les indépendantistes y tiennent. Selon eux, une monnaie indexée sur un panier de devises, incluant le dollar, serait une meilleure solution que l’actuel franc Pacifique, arrimé à l’euro. Le dollar est la monnaie d’échange du nickel. C’est aussi celle utilisé pour les achats de pétrole et autres sources d’énergie.
11,8 milliards.
C’est la somme totale que reçoivent les communes calédoniennes au titre des diverses dotations de l’Etat.
Ratio.
Selon certains analystes, les services publics en Calédonie ont un coût annuel de 350milliards, 52,5% provenant de la fiscalité calédonienne, 47,5% des contribuables métropolitains.
Dévaluation.
D’après Philippe Blaise, une Calédonie indépendante serait contrainte de dévaluer plusieurs fois sa monnaie, d’où une augmentation de tous les produits d’importation et une baisse du pouvoir d’achat.
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