- Propos recueillis par Anthony Tejero | Crée le 19.11.2024 à 12h19 | Mis à jour le 19.11.2024 à 12h19ImprimerThéophile de Lassus, directeur de cabinet du haut-commissaire de la République, quitte le Caillou ce samedi 23 novembre. Photo Anthony TejeroLe directeur de cabinet du haut-commissaire, Théophile de Lassus, quittera ses fonctions ce samedi pour rejoindre un poste au ministère de l’Intérieur, au terme de près de deux ans de mission sur le Caillou. Une période évidemment marquée par les exactions ainsi que les mesures et dispositifs de sécurité inédits mis en place dans le pays. Mais aussi par un nombre record de visites de personnalités politiques de haut rang jusqu’au président de la République. Entretien.
Quelles sont les raisons de votre départ ? Est-ce lié à la situation dans le pays ?
J’arrivais au terme normal d’une période de directeur de cabinet du haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie. Dans le corps préfectoral, les postes de directeur de cabinet durent à peu près deux ans. Pour ma part, j’ai exercé un peu moins de deux ans (22 mois). C’est donc tout à fait naturel et dans l’ordre des choses que je quitte le territoire à ce moment-là.
Au terme de ces deux ans, avec la période charnière et très particulière des émeutes, que retenez-vous de votre passage dans le pays ?
Plusieurs choses. D’abord, c’est un territoire qui m’a énormément marqué. Les hommes et les femmes qui y travaillent, qui y vivent, la beauté de ce territoire, etc. Mais surtout, ce qui m’a marqué, c’est évidemment la crise que nous avons traversée ensemble avec une admiration et une immense gratitude pour les policiers et les gendarmes avec qui j’ai passé l’essentiel de mon temps au cours des six derniers mois et avec qui je travaillais déjà énormément avant. Les sujets de sécurité constituent ma principale mission.
Je pense évidemment à Nicolas Molinari et Xavier Salou, les deux gendarmes qui ont perdu la vie au début des émeutes.
Les forces de l’ordre se sont battues pour assurer la sécurité des Calédoniens, avec une énergie, une détermination, un sens de la mission et un sens du sacrifice. Je pense évidemment à Nicolas Molinari et Xavier Salou, les deux gendarmes qui ont perdu la vie au début des émeutes. Voilà ce que je retiendrai, ce qui m’a marqué et qui me marquera durablement.
Pouvez-vous rappeler quel est le rôle d’un directeur de cabinet ?
Le haut-commissaire a plusieurs personnes autour de lui, qui sont les membres du corps préfectoral : les sous-préfets, donc les commissaires délégués par subdivision administrative, le secrétaire général et les secrétaires généraux adjoints, qui appuient le haut-commissaire, ainsi que le directeur de cabinet, qui a plusieurs missions. D’abord, il s’agit de mettre en œuvre la politique de sécurité décidée par le haut-commissaire, en coordination avec les policiers, les gendarmes, les douaniers, en lien avec l’autorité judiciaire et les forces armées, pour ce qui relève de la défense nationale. C’est la première grosse mission du directeur de cabinet.
La deuxième mission principale, c’est évidemment tout ce qui relève de la représentation de l’État : le suivi des sujets politiques, des affaires réservées, l’organisation des visites officielles du président de la République, des ministres, etc. Ce qui m’a énormément occupé parce que le sujet politique est immense ici, et puis parce qu’en termes de visites officielles, on en a eu beaucoup durant mes presque deux ans.
C’est deux fois le président de la République, dont une fois en pleine période insurrectionnelle, le garde des Sceaux, le ministre de l’Économie et des Finances, près d’un mois le ministre de l’Intérieur, en additionnant toutes ses visites, le ministre des Armées, des Premiers ministres et des ministres étrangers, cinq fois un ministre des Outre-mer, dont quatre ministres des Outre-mer différents.
Parmi les nombreuses visites officielles, Théophile de Lassus (à gauche) a notamment piloté la récente visite de Yaël Braun-Pivet, ici au Camp-Est, et Gérard Larcher. Photo Anthony TejeroJustement, est-ce que la période est inédite aussi en termes de fréquence de visites de personnalités politiques de premier rang dans le pays ?
Cette période est complètement inédite, du moins dans l’histoire récente de la Calédonie. C’est également complètement inédit par rapport à l’ensemble des autres territoires métropolitains. Il n’existe pas de territoire où le ministre de l’Intérieur passe un mois en deux ans de présence. Il n’existe pas de territoire où il y a deux fois le président de la République et tous les ministres régaliens en si peu de temps. Il n’a manqué que le Premier ministre.
Alors que vous vous apprêtez à quitter la Nouvelle-Calédonie, quel est le bilan de la situation actuelle en termes de sécurité dans le pays ?
Il y a eu deux périodes ici. Tout d’abord, la période pré-13 mai, où on commençait à avoir de beaux résultats en matière de lutte contre l’insécurité routière. On avait considérablement diminué le nombre de morts. On a réussi à porter le sujet au sein de l’opinion publique. On constatait de réelles améliorations avec des vrais résultats. On a amené de nouveaux outils, il y avait des radars supplémentaires, d’autres qui devaient arriver, des immobilisations administratives. On avait déployé toute une série de politiques publiques.
Par ailleurs, on commençait à avoir un certain nombre de résultats en matière d’atteintes aux biens, c’est-à-dire les vols et les cambriolages. Pour la première fois, on diminuait le nombre de vols de véhicules et de cambriolages. Mais, évidemment, tout cela avec le 13 mai, c’est de l’histoire ancienne. Surtout au sujet des vols de véhicules, donc il va falloir largement recommencer tout ça.
Néanmoins, aujourd’hui, la situation est en nette amélioration sur l’ensemble du territoire. On a encore un sujet, bien évidemment, c’est Saint-Louis. Mais là aussi, avec des progrès substantiels qui ont été menés avec la réouverture de la route. Je sais que ce n’est pas parfait, je sais qu’on a encore des difficultés, mais on a des résultats. Et avec vraiment cette préoccupation constante pour faire en sorte que la vie normale puisse reprendre le plus rapidement possible. C’est ce à quoi je continuerai à m’attacher jusqu’à mon départ.
Au sujet du couvre-feu, en vigueur depuis plus de six mois, mais qui a été décalé à minuit, quel bilan tirez-vous de ces allègements par rapport à la précédente instauration à 22 heures ?
Le couvre-feu à minuit est quelque chose de tenable du fait des moyens que nous avons mis en place et de l’amélioration de la situation. Aujourd’hui, on n’a pas plus d’incidents dans la période qui va jusqu’à minuit et donc ce décalage de minuit à 5 heures a été, je pense, bénéfique pour les Calédoniens, et il n’a pas, non plus, posé de difficultés supplémentaires pour les policiers et les gendarmes.
Quel sera votre prochain poste ?
Je pars samedi 23 novembre pour rejoindre la direction du management de l’administration territoriale et de l’encadrement supérieur au ministère de l’Intérieur. C’est un nom un peu barbare pour désigner la direction mère du corps préfectoral, celle qui gère les moyens des préfectures et des hauts-commissariats : les moyens financiers et humains. C’est un peu notre tour de contrôle.
Il ne s’agira plus d’empêcher une guerre civile, mais de faire en sorte de bâtir la paix sur la durée.
Compte tenu de votre expérience sur le Caillou, serez-vous un porte-voix pour faire remonter les besoins en Nouvelle-Calédonie au vu de la crise qui frappe le pays ?
Je suis fonctionnaire de l’État. Bien évidemment, je garderai toujours un attachement très particulier à la Calédonie. Tous ceux qui sont passés en Calédonie reviennent d’une manière ou d’une autre. Mais après, j’appliquerai la politique décidée par le gouvernement
Selon vous, quels seront les défis et priorités de votre successeur(e) ? Connaissons-nous son nom ?
Son nom n’est pas encore connu. Bien évidemment, il y aura un directeur ou une directrice de cabinet. Les défis qui l’attendront sont nombreux. La priorité sera, évidemment, le retour et le maintien de l’ordre public sur l’ensemble du territoire, avec une attention particulière sur Saint-Louis. Il ne s’agira plus d’empêcher une guerre civile, mais de faire en sorte de bâtir la paix sur la durée. C’est un travail considérable à mener sous l’autorité du haut-commissaire.
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