- Anthony Tejero et Baptiste Gouret | Crée le 28.05.2024 à 17h28 | Mis à jour le 28.05.2024 à 18h23ImprimerLe quartier de Dumbéa-sur-Mer a été durement touché par les violences, depuis le déclenchement des émeutes il y a deux semaines. Photo Baptiste GouretDimanche, les forces de l’ordre ont libéré le pont des Érudits, lieu de fortes tensions et d’affrontements depuis le déclenchement des émeutes, pour reprendre le contrôle d’un quartier dévasté par les pillages et les incendies. Reportage.
Rien n’a échappé à la folie des deux dernières semaines, sur le boulevard Joseph-Wamytan. Au pied du bâtiment qui hébergeait ses cabinets dentaire, d’ophtalmologie et son centre optique, Éric Kohler constate pour la première fois l’ampleur des dégâts qui ont touché Dumbéa-sur-Mer, deux semaines après les premiers incendies et pillages survenus dès le début des émeutes dans ce quartier populaire. "C’est désolant et choquant de voir ça, on n’a pas l’habitude", lâche le président de la Mutuelle du nickel, qui s’est décidé ce mardi à venir de La Foa avec sa femme, Arlette, en apprenant que l’accès avait été libéré. "On a croisé quelques barrages filtrants sur la route en descendant, mais il n’y a plus grand monde dessus", raconte Éric Kohler.
Éric Kohler, président de la Mutuelle du nickel, devant le bâtiment calciné qui abritait plusieurs de ses cabinets. Photo Baptiste GouretPeu de commerces intacts
Dimanche, les forces de l’ordre sont entrées dans Dumbéa-sur-Mer, un quartier très difficile d’accès depuis le déclenchement des violences, dans la nuit du lundi 13 au mardi 14 mai. Le pont des Érudits, important lieu de blocages et d’affrontements, a été repris. C’est ici qu’un homme de 48 ans a été tué, vendredi, par le tir d’un policier en civil pris à partie par plusieurs dizaines de personnes alors qu’il tentait de rejoindre le Médipôle.
Scène de désolation aux lendemains des émeutes, dans le quartier du Médipôle où la plupart des enseignes ont été pillées, saccagées ou brûlées. Photo Anthony TejeroDésormais, les gendarmes mobiles occupent l’endroit et dissuadent toute tentative de reformer les barrages. Les militants indépendantistes ont battu en retraite et se sont installés sur le trottoir qui longe le Dumbéa mall. "Les gendarmes sont là nuit et jour", remarque Richard, qui fume une cigarette au pied de sa résidence en compagnie de Gilles et Djemale, deux autres habitants de cet ensemble d’appartements récemment sorti de terre. L’occasion de constater le calme apparent du moment. Les premiers jours d’émeutes ont été très agités, racontent les trois hommes. "On a essayé de protéger certains commerces, explique Richard en pointant une épicerie calcinée. Mais les jeunes étaient beaucoup trop nombreux, on n’a rien pu faire", lâche le Dumbéen, convaincu que ces émeutiers "ne sont pas du quartier".
Gilles, Richard et Djemael, devant leur résidence, à Dumbéa-sur-Mer, mardi 28 mai. Photo Baptiste GouretLa deuxième nuit, celle du 15 mai, a certainement été la plus violente, se souviennent les trois résidents. C’est là que le quartier a connu une vaste coupure de courant. Des heures plongées dans le noir dont les émeutiers ont profité pour "tout casser et brûler", témoigne Gilles. Les trois hommes sont des militants indépendantistes déterminés, "mais on leur a dit aux jeunes : la mobilisation c’est sur la route, pas dans les commerces".
"Boum-boum matin, midi et soir"
Pour les habitants de Dumbéa-sur-Mer, difficile désormais de trouver un endroit pour faire ses courses. Le plus proche reste la supérette Feu Vert, en direction de Koutio. Le Géant Dumbéa mall n’a ouvert que quelques heures, mais le manque de sécurisation de la zone a poussé la direction à refermer les portes du centre commercial. Reste que le complexe a été relativement préservé. Des habitants viennent en soutien des services de sécurité pour empêcher les intrusions. "On se relaie, quinze le matin et quinze l’après-midi", explique Richard.
Le long du boulevard Joseph-Wamytan, aucun bâtiment n’a échappé aux pillages et aux incendies. Photo Baptiste GouretDerrière le complexe du Burger King et du Fitness Park, ravagé par les flammes, Steeve se balade au milieu des éclats de verre et des déchets en tout genre provenant des bâtiments éventrés. Livreur pour le magasin multimédia Connexion, installé dans la galerie du Dumbéa mall, il était aux premières loges pour observer les pillages, lui qui vit dans la résidence qui surplombe l’échangeur des Érudits. "Le premier soir, ils ont commencé par le Burger King et sont descendus petit à petit", raconte l’homme de 33 ans, père de deux enfants. Il profite du calme des deux derniers jours, loin des "boum-boum matin, midi et soir" qui rythmaient les premières nuits. Un temps offert à la réflexion : "Ça ne donne pas envie de rester, lâche Steeve. C’est difficile de voir un avenir ici."
"Le quartier s’était enfin développé"
Sabine déambule avec ses trois enfants dans un dédale de commerces brûlés et saccagés où les débris de verre, les dossiers de clients et autres objets carbonisés jonchent le sol à perte de vue. "On pourrait récupérer quelques articles encore intacts, mais je n’en ai même pas envie. Ce serait un peu comme participer ou du moins cautionner toute cette violence. C’est terrible ce qu’ils ont fait, déplore cette jeune femme originaire de Thio, qui vit dans le quartier depuis quatre ans. C’était tout neuf et tout beau. On avait tous les magasins à proximité. Le quartier s’était enfin développé et là, il n’y a plus rien, tout a été cassé. "
Les appartements qui accueillaient le personnel du Médipôle ont été complètement saccagés. Photo Baptiste GouretCette jeune mère de famille, qui "essaie de rester positive", a bien du mal à garder le sourire tant elle s’inquiète pour les mois à venir. "J’avais trouvé un travail au Burger King à côté de chez moi. J’étais trop contente et ce boulot me plaisait, mais comme j’étais en CDD et qu’ils l’ont détruit, je me retrouve sans rien. C’est allé beaucoup trop loin, se désole Sabine, assaillie par des questions en cascade depuis deux semaines. Je ne suis dans aucun mouvement politique et je regarde tout ça de loin, mais aujourd’hui ça me fait peur. J’ai beau être une fille d’ici, mon chéri est originaire de France et nos enfants sont métis. Je ne veux pas qu’ils souffrent de la situation actuelle dans le pays. Des fois, j’en viens même à me demander s’il faut préparer nos papiers et partir. C’est triste de penser à ça."
MERCI DE VOUS IDENTIFIER
Vous devez avoir un compte en ligne sur le site des Nouvelles Calédoniennes pour pouvoir acheter du contenu. Veuillez vous connecter.X
J'AI DÉJA UN COMPTEJE N'AI PAS DE COMPTE- Vous n'avez pas encore de compte ?
- Créer un nouveau compte
Vous avez besoin d'aide ? Vous souhaitez vous abonner, mais vous n'avez pas de carte bancaire ?
Prenez contact directement avec le service abonnement au (+687) 27 09 65 ou en envoyant un e-mail au service abonnement. -
-
DANS LA MÊME RUBRIQUE
-
VOS RÉACTIONS
- Les transports aériensà consulter ici