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    Grand Nouméa
  • Anthony Tejero | Crée le 25.06.2024 à 17h24 | Mis à jour le 25.06.2024 à 17h34
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    Ces riverains de l’avenue d’Auteuil tentent de garder leur bonne humeur pendant qu’ils nettoient la chaussée après d’énièmes violences la nuit dernière. Photo Anthony Tejero
    Depuis le 13 mai, les journées se suivent et se ressemblent, rythmées par les barrages, émaillées par les violences et par les affrontements avec les forces de l'ordre dans le secteur de Koutio, à Dumbéa, où un regain de tension est palpable depuis l'interpellation de leaders de la CCAT. Reportage dans l'avenue d'Auteuil auprès d'habitants "épuisés". 

    "On n’a plus besoin de télévision. Tous les soirs, on a droit à un film de guerre en direct." Balais en main, Séverine met un point d’honneur à ne pas perdre sa bonne humeur. Chaque matin, avec une poignée de voisins, cette Dumbéenne se retrousse les manches et nettoie inlassablement les innombrables débris qui jonchent la chaussée en face de chez elle pour "aider quand les forces de l’ordre sont fatiguées".

    Un quotidien pesant pour ces habitants de l’avenue d’Auteuil, théâtre d’exactions récurrentes depuis un mois et demi et où la plupart des commerces et des infrastructures ont été détruits, quand ce n’est pas incendiés.


    Ces bénévoles aimeraient que des camions bennes viennent récupérer les obstacles qu’ils ont déblayés avant que les jeunes ne reforment des barrages. Photo Anthony Tejero

    Face aux émeutiers, les riverains ont décidé de sortir leur meilleure arme : la solidarité. "Nous nous sommes organisés spontanément en différents groupes pour surveiller et protéger ce qui est encore en vie dans le secteur : la poste, l’école, etc., explique, en plein déblaiement, Kyam, qui ne cache pas sa déception. On a été choqués au début et désormais, on subit. Je suis pour la lutte (indépendantiste), mais pas comme ça, pas par la dégradation et la violence. C’est chaud toutes les nuits ici. On ne perçoit aucun changement depuis le 13 mai. Et avec l’envoi (vers l’Hexagone) des leaders de la CCAT, on craint que ça s’empire."

    "Le pays n’a pas besoin de gens radicaux"

    Pour ce père de famille de 49 ans, si les jeunes "sont dans la lutte", ils manquent de recul, si ce n’est d’une certaine culture politique. "J’estime qu’ils ne sont pas assez informés. Or il faut trouver une solution car on commence à parler de guerre civile. J’ai connu les Événements et je ne veux surtout pas ça pour nos enfants, insiste Kyam. La reconstruction, c’est le plus important, mais je crois que cela ne passera que par un profond changement parmi nos politiques, dans tous les camps. Le pays n’a pas besoin de gens radicaux mais de personnes intelligentes qui travaillent pour le peuple."


    Marie, Salomon et Catherine ne sortent de chez eux que "pour les courses". À chaque fois, ils découvrent de nouveaux dégâts. Photo Anthony Tejero

    Toujours est-il, les exactions qui n’en finissent plus dans ce quartier commencent à jouer sérieusement avec les nerfs des habitants "à bout". "On vit tout le temps dans les bruits, les cris, les insultes. Ça fait peur et c’est vraiment épuisant. On n’en voit jamais la fin et c’est ce qui est le plus difficile à vivre. Dès qu’on a entendu "libérez Téin !", on a compris que les violences allaient durer", confie Marie, qui ne sort avec son époux que pour faire des courses dans la seule alimentation encore ouverte du quartier. "À chaque fois, on découvre de nouveaux dégâts. Le reste du temps, on est enfermés chez nous. C’est comme pendant la Covid, mais en pire. Car là, on doit rester sur nos gardes."

    "On soutient à fond cette lutte"

    À quelques mètres des riverains qui finissent de nettoyer la route, un petit groupe de jeunes, au visage dissimulé, régule la circulation aux abords du collège d’Auteuil et ne tarde pas à reconstituer de nouveau des barricades sur la chaussée. Le trafic sur ces "barrages filtrants" s’avère de plus en plus difficile au fil de la matinée avec une ambiance qui tend à devenir électrique.


    Ces jeunes assurent "surveiller le quartier" en laissant passer les riverains sur ce barrage filtrant aux abords du collège d’Auteuil. Photo Anthony Tejero

    "On surveille et on laisse passer les gens du quartier", assurent Fabrice et Erman, 25 ans, qui sont en deuil après la mort de deux "de leurs frères" dans la commune. C'est pourquoi leur détermination ne faiblit pas. "On est tous là pour le même combat : contre le dégel du corps électoral. On garde l’esprit combatif et on soutient à fond cette lutte. Il faut que ça change et si on doit encore monter en pression pour ça, on le fera."


    Vers 10h30, alors que l’avenue avait été déblayée par les riverains, des jeunes ont remis en place les barrages. Photo Anthony Tejero

    "Nous avons décidé de fuir car c'était devenu l'horreur"


    Face aux menaces grandissantes des émeutiers, Frédéric a décidé de fuir, le week-end dernier, pour mettre sa famille à l’abri. Photo Anthony Tejero

    "Ce n’est plus une vie de rester ici avec nos enfants. Aujourd’hui, nous sommes en danger." Frédéric observe, hagard, ce qui était il y a encore quelques semaines son havre de paix. Dans la nuit de lundi à mardi, cette habitation de l’avenue d’Auteuil a été pillée et saccagée. Multimédia, outillage, couteaux, fusil de chasse… "Tout ce qui a de la valeur" a été dérobé et la maison saccagée. Sans parler de nombreux poissons "massacrés" dans les bassins de cet aquariophile et des chats introuvables.


    Les chambres des parents et des enfants ont été mises à sac. Photo Anthony Tejero

    "Nous avons décidé de fuir ce week-end car c’était devenu l’horreur. La nuit de vendredi à samedi a été terrible. Une cinquantaine d’émeutiers tapaient contre notre barrière, certains grimpaient dessus, nous regardaient et nous adressaient des signes de mort. Le but est clairement de terroriser et ça a fini par marcher, se désole cette famille de Calédoniens, installé dans le quartier depuis quinze ans, tandis qu’à quelques mètres de là des cris "à mort ! À mort !" sont scandés par des émeutiers. On en est arrivés à un point où le bruit des grenades de désencerclement des forces de l’ordre nous rassure."

    Ce couple, qui se dit "très ouvert au dialogue" sur les questions d’émancipation ou d’indépendance avoue être perdu face à ce déchaînement de violence. "On est des enfants du pays, mais là, on n’arrive plus à comprendre leurs revendications aujourd’hui."


    Aucune pièce n’a été épargnée jusque dans la buanderie et le dressing. Photo Anthony Tejero

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